Pere Ubu
Carnival Of Souls
- Fire Records
- 2014
- 46 minutes
Un quinzième album studio pour la légendaire formation originaire de Cleveland, Ohio et menée par l’imposant David Thomas, nommée Pere Ubu et ça s’intitule Carnival Of Souls. L’an dernier, la bande à Thomas avait fait paraître un fort réussi Lady From Shangai; disque aux accents électros absolument minimaliste et itératif. Trente-huit ans de carrière au compteur pour Pere Ubu et toujours aussi pertinent, même si l’avant-rock sitedemo.caigué peut parfois être insoutenable et dérangeant.
Alors cette fois-ci, à quel endroit nous mène Pere Ubu? En premier lieu, les sonorités rock refont surface avec ardeur grâce à l’excellente entrée en matière titrée Golden Surf II; rythme martial carré martelé avec conviction, guitares abrasives/dissonantes et des incantations chamaniques gracieuseté de David Thomas qui donnent merveilleusement le ton à ce Carnival Of Souls.
L’expérimental Drag The River suit et sert de transition à l’émouvante Visions Of The Moon sur laquelle l’alliage orgue/hautbois (???) se transmute en un mouvement dissonant qui conclut de belle façon cette pièce. S’enchaînent l’abstraite Dr. Faustus, le pop-rock disjoncté Bus Station (si on peut catégoriser cette chanson dans un registre pop…) et la glauque, un peu Nick Cave, Road To Utah. Le périple se conclut avec Carnival (évoquant une espèce de fête foraine lysergique), avec l’austère balade Irene ainsi qu’en compagnie d’un clin d’œil à Sister Ray du légendaire Velvet Underground intitulé simplement Brother Ray; fragment-fleuve qui se veut le penchant opaque et singulier de l’abrasif morceau de bravoure paru sur l’album White Light/White Heat (1968).
Pourquoi y aller d’un tour d’horizon de chacune des chansons de ce Carnival Of Sorts? Parce que les créations étranges de Pere Ubu sont tellement variées et d’une subtilité inquiétante, qu’il faut remettre chacun des morceaux présentés dans son contexte. Notre appréciation? On se répétera ad nauseam, mais c’est encore une fois une conception sonore expérimentale, amalgamant rock discordant et atmosphères abstraites inusitées, d’une qualité exemplaire. Pere Ubu pousse le mélomane dans ses derniers retranchements sans jamais le perdre dans ses méandres sonores empiriques.
Près de quarante après sa naissance, David Thomas et ses comparses ne dérougissent pas et dispensent toujours des parutions de haut niveau et ce Carnival Of Sorts, plus bruyant et décapant, a plu particulièrement à l’auteur de ces lignes. On ne peut que s’incliner humblement devant autant de constance, de créativité, d’intégrité et de modestie; tous des ingrédients qui, sans assurer la profitabilité financière de «l’entreprise», viennent certifier la crédibilité, la pertinence, et par le fait même, la longévité d’une formation musicale.
Une fois de plus, une génuflexion méritée pour Pere Ubu et son Carnival Of Sorts. Voilà un disque intemporel, qui navigue dans ses propres mers et qui invite les mélomanes avides de rock champ gauche à venir poser leurs oreilles. Rien à redire.
Ma note: 7,5/10
Pere Ubu
Carnival Of Sorts
Fire Records
46 minutes
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