La légendaire formation brésilienne Os Mutantes, formée en 1966, faisait paraître la semaine dernière, une première offrande depuis 2000, titrée Fool Metal Jack. Pour ceux qui ignorent l’existence d’Os Mutantes, voilà un des groupes les plus cruciaux du mouvement artistico-politique Tropicalia qui fît son apparition en 1964 à la suite d’un coup d’État perpétré par le maréchal Castelo Branco et qui renversa le président élu démocratiquement Joao Goulart.

Le tropicalisme est un mouvement culturel qui s’opposait à ce totalitarisme martial. Mis à part Os Mutantes, les musiciens Caetano Veloso et Gilberto Gil constituent d’importants représentants de cette idéologie créative qui contestait le nationalisme droitiste et la musique brésilienne populaire diffusée à l’époque.

Musicalement, sur ce Fool Metal Jack, Os Mutantes nous présente un alliage hétéroclite de rock progressif, de psychédélisme fuzzé, de bossa-nova, de reggae et d’harmonies vocales mélancoliques très seventies. Cinq nouveaux membres viennent se joindre au guitariste original Sergio Diaz, mais ces ajouts ne modifient pas grand-chose au son d’Os Mutantes, tant l’aura de Diaz domine les compositions.

Les ritournelles offertes sont savamment construites, l’exécution est irréprochable, une certaine originalité fait irruption de temps en temps, mais malheureusement cette création souffre sérieusement d’un anémique ancrage dans la modernité. C’est souvent 1966, régulièrement 1975, épisodiquement 1992, mais ce n’est jamais 2013. Aucune dissonance, des boucles électroniques absentes, des mélodies passéistes, une réalisation linéaire et une atmosphère sonore très hippie… ne manque que les odeurs de patchouli et d’encens et nous y sommes!

Qu’à cela ne tienne, quelques morceaux ont retenu notre attention : la folk psychédélique The Dream Is Gone, la ligne de basse lourde et salopée dans Fool Metal Jack, la massive, l’acoustique et la progressive Time And Space (du Os Mutantes à son zénith), To Make It Beautiful qui détient un léger je-ne-sais-quoi de Dirty Projectors et la très Carlos Santana intitulée Once Upon A Flight. Quelques pièces faiblardes et anachroniques viennent jeter une douche froide à cette conception sonore : le rock convenu Picadilly Willie, la reggae pépère Ganja Man et les « flower-power » modernisées maladroitement Eu Descobri et Into Limbo.

Au final, ce Fool Metal Jack n’est pas foncièrement exécrable, mais il semble destiné aux admirateurs de longue date et les jeunes mélomanes en quête de sensations musicales fortes détourneront les oreilles de façon sans équivoque. Pour ceux qui aimeraient découvrir Os Mutantes, nous leur conseillons sagement d’aller piger dans le vieux répertoire du groupe. Un bel effort qui laisse un tant soit peu de marbre…

Ma note : 5,5/10

Os Mutantes
Fool Metal Jack
Krian Music Group
45 minutes

www.mutantes.com

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=fGWrXqRow2w[/youtube]