Grimes
Art Angels
- 4AD
- 2015
- 50 minutes
Claire Boucher, alias Grimes, est enfin arrivée avec le successeur de l’excellent Visions. L’album paru en 2012 a permis à la jeune femme de se faire un nom à travers la planète. Elle est passée de la scène souterraine montréalaise aux grands plateaux des festivals devant des foules impressionnantes. Les attentes étaient donc hautes pour Art Angels. Boucher l’a découvert à ses propres dépends à la suite de la sortie du simple Go en 2014. La critique a été impitoyable avec la pièce d’abord écrite pour Rihanna. Il faut dire que Grimes s’éloignait passablement de cette pop marginale à laquelle elle nous avait habituées. Finalement, elle a décidé de jeter aux poubelles l’album qu’elle avait composé et enregistré avec différents réalisateurs. Elle sentait qu’elle n’avait plus suffisamment de contrôle sur son art.
Arrive Art Angels, l’album qu’elle voulait créer. Et il faut le dire, Boucher sait faire de l’excellente pop. Voici ce à quoi devrait tendre la pop en 2015. C’est irrévérencieux, assumé, marginal, mais très mélodieux, bien construit, enregistré avec minutie. Tout a une utilité sur Art Angels. Jamais l’auditeur n’est laissé à lui-même, et ce, même dans les moments les plus obscurs. Mais décortiquons-le.
Le premier simple, Flesh Without Blood est tout à fait délicieux. C’est un vers d’oreille, une chanson assez conventionnelle pour ne pas effrayer les radios, mais tout de même assez champ gauche pour ne pas rentrer dans le rang complètement. Lorsqu’elle chante avec sa voix aiguë dans les refrains, on retrouve la Grimes de Visions. Cependant, elle reste beaucoup plus en contrôle que sur le précédent opus. Tout est choisi minutieusement. La trame est riche et franchement intoxicante.
Scream fait de la place à la rappeuse taiwanaise Aristophanes et il est difficile de ne pas tracer des liens avec les cris et les respirations de Kanye West à la fin de la chanson I Am A God sur Yeezus. Artangels évoque les guitares utilisées par la pop dans les années 90 sans tomber dans le pastiche. Elle les utilise avec parcimonie. On peut en dire tout autant de Belly Of The Beat qui aurait pu verser dans le quétaine avec sa guitare acoustique. Boucher trouve le moyen d’esquiver tous les pièges qui sont tendus sur sa route. Elle a des airs de Fée Clochette qui volette d’un style de pop à un autre sans jamais faire de faux bonds.
Elle démontre sa maîtrise totale de la mélodie avec Pin et World Princess Part II. Même California qui aurait pu être un désastre de déjà vu trouve une façon d’éviter le moule. Le rythme syncopé et varié démontre aussi le chemin que Boucher a fait depuis l’enregistrement de Visions. Rappelons que celui-ci avait été créé à l’aide de GarageBand. Cette fois-ci, la sitedemo.cauction est beaucoup plus impressionnante et Grimes a appris à jouer de la guitare, de la batterie et bien d’autres instruments pour avoir le luxe d’enregistrer la majorité des pièces seule. On y trouve deux collaborations, l’une avec Aristophanes nommé précédemment et Janelle Monáe sur Venus Fly, une pièce qui emprunte un peu au hip-hop.
Art Angels est exactement ce que devrait être la pop en 2015. L’audace dont fait preuve Grimes devrait être la règle et non l’exception. En plus d’être douée musicalement, elle fait preuve d’intelligence dans ses textes. Vraiment, il est difficile de dire du mal de Claire Boucher.
Ma note: 8,5/10
Grimes
Art Angels
4AD
50 minutes
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