Concerts

FIJM 2017 : La soirée orgue-anique

La Maison Symphonique hébergeait hier un des évènements les plus singuliers du Festival de Jazz : un quintette batterie, contrebasse, trombone, clarinette et… orgue. Et pas un B3 ou un vulgaire son de Nord, non. Nul autre que le Grand Orgue Pierre-Béique, installé dans la salle. Son maître, Jean-Willy Kunz, le premier et actuel organiste en résidence de l’OSM, a daigné le sortir de sa zone de confort avec l’aide du clarinettiste et saxophoniste André Moisan, de la tromboniste Hélène Lemay, du contrebassiste Frédéric Alarie ainsi que du batteur Camil Belisle.

Hors d’oeuvre

La première partie de l’évènement était assuré par Chistian Lane, qui nous a interprété six pièces (en plus d’un court rappel) qui partaient du répertoire baroque pour se rendre jusqu’à aujourd’hui. Il aurait été impossible d’aller plus contemporain dans l’époque. Le concert a commencé avec la première d’une pièce de Graham Gordon Ramsay et est passé par Schumann. L’organiste a beaucoup de talent et est muni, comme on le voit dans le choix des pièces, d’une bonne polyvalence, mais son jeu est quelque peu instable par moments. Peut-être n’a-t-il pas eu assez de répétitions sur cet orgue particulier, ce qui serait tout à fait compréhensible, mais il semblait parfois avoir de la misère à garder l’agogique et l’inertie de son jeu quand venait le temps d’actionner les nombreux, très nombreux mécanismes servant à altérer le son. Certains des crescendos qu’il actionnaient à l’aide des trois pédales d’expression de l’orgue manquaient de fluidité à cause de son jeu de pied qui ne lui permet pas de garder son pied sur la pédale. N’étant pas un expert en technique d’orgue, il m’est difficile de juger à quel point ces détails sont importants pour juger un organiste, mais lesdits détails étant assez subtils, je crois qu’on peut quand même affirmer que l’instrumentiste est tout de même excellent.

On ne badine pas avec l’orgue

« Mais trêve de musique classique en cette période où le jazz est de mise », dit (intérieurement, sûrement) Jean-Willy Kunz en s’emparant à son tour du gigantesque instrument. Le concert principal commença avec une improvisation jazz qui fut introduite par une dizaine de secondes de musique plus traditionnelle pour orgue, pour ensuite réellement débuter avec l’accord D7 (#9) le plus puissant de l’histoire des accords dominants. L’organiste s’envola alors avec une improvisation qui aurait été relativement banale sur un piano, mais qui fut tout le contraire sur l’orgue. On constate qu’il a déjà joué du piano jazz, mais ses talents d’improvisateur semblent assez loin derrière lui. En tout cas, c’était la première fois que j’entendais une walking bass sur un tel orgue (qui fut ironiquement jouée sur le pédalier de l’orgue… c’était donc littéralement une walking bass).

Ensuite, Kunz et ses quatre acolytes nous interprétèrent une série de pièces avec une variété semblable à celle de la première partie, en partant de la musique traditionnelle des Balkans pour se rendre jusqu’à, encore une fois, aujourd’hui, avec une pièce composée par Frédéric Alarie. C’était une expérience à vivre. Entendre cette instrumentation jouer du jazz était impressionnant. Heureusement les musiciens et les techniciens ont réussi à ce que l’orgue n’enterre pas totalement tous les instruments (j’ai déjà vu cet orgue torcher solidement l’OSM en mode fortissimo lors de la symphonie No 3 de Saint-Saëns). Par contre, certains arrangements pour ladite instrumentation laissaient un peu à désirer. Souvent, on voyait très bien que les arrangements pour piano n’avaient pas adéquatement été remodelés pour l’orgue, et quand ce dernier faisait des accords en comping, par exemple sous un solo, ça sonnait moins qu’on ne l’attendrait. C’est probablement parce que le son d’un orgue est péjoratif dans ce type de musique, mais ça se mettait immédiatement à sonner comme si l’on était dans une petite église semi-abandonnée avec le groupe de jazz maison. Heureusement que certains moments étaient tout au contraire magnifiques et subtils, parce que je n’aurais pas survécu au spectacle sans pouffer de rire.

Autre point un peu dérangeant : le quintette manquait visiblement de pratique ensemble. Plusieurs punchs ont été totalement manqués, et c’était souvent à cause du batteur. Il donnait par moments l’impression d’avoir reçu les pauvres partitions la veille, parce que dès qu’il se mettait à les lire, tout se mettait à sonner sans vie et surtout très fragile. On voyait qu’il était bien dans son élément quand le style était plus swingé, ou quand ils jouaient Spain de Corea (il a dû la jouer en masse avant), mais il avait de la misère avec une grosse partie du reste, misère qui a nivelé vers le bas l’expérience de certaines pièces. Heureusement que l’excellent André Moisan était là pour constamment lever la barre plus haute avec la magnificence du son qui sort de ses instruments et de ses solos.

Le concert m’a laissé quelque peu mitigé; il y a eu beaucoup de belles choses et beaucoup de moins belles, et plusieurs des moins belles étaient facilement évitables… Mais d’écouter une telle formation en concert reste une expérience hors du commun qui vaut la peine d’être vécue. On n’en sort pas déçu, mais ça aurait pu être encore beaucoup mieux.

http://www.montrealjazzfest.com/

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