Critiques

Tune-Yards

I Can Feel You Creep Into My Private Life

  • 4AD
  • 2018
  • 45 minutes
8
Le meilleur de lca

Ce qui frappe le plus lorsqu’on aborde ce quatrième album de Tune-Yards, projet initialement porté par Merrill Garbus, c’est le changement d’esthétique marquant. Fini les lettres en majuscules et minuscules qui s’alternent dans le nom, fini les couleurs éclatantes dans les photos promos, on pourrait quasiment dire fini la folie dans l’esthétique. On se retrouve devant une image beaucoup plus sobre. Est-ce que cela se traduit également dans le son?

Tout à fait. Tune-Yards ne devient pas pour autant conventionnelle ou plate. Par contre, I Can Feel You Creep Into My Private Life possède un peu plus de retenue et les moments de folies sont choisis, bien placés et surtout un peu plus épars à travers l’album. On y retrouve la voix unique et particulière de Garbus avec toute sa force, sa couleur et sa chaleur. Mais au niveau des trames, ça donne l’impression d’un plus grand contrôle. On a moins l’impression que les artifices ont été écartés au profit de la mélodie porteuse. Et ça fonctionne très bien.

Heart Attack déjà jette les bases avec un piano accompagné de mains qui claquent pour rythmer le tout. La progression d’accord particulière et légèrement dissonante. Juste assez pour faire plaisir aux tympans et les surprendre. Puis, le piano s’efface pour laisser la place à une basse ronde et groovy. La voix de Garbus suit le mouvement et se présente plus posée. Ces moments très présents à travers l’album contrastent avec les moments d’énergie éclatante. Ceux-ci, paradoxalement, s’interchangent de la force. Coast to Coast est sans doute la chanson qui surprendra le plus les habitués de l’Anglaise. C’est très « cool » pour Garbus. Et ça lui va très bien. Comme si elle avait muri d’un coup.

On retrouve tout de même des pièces magnifiquement excentriques comme Now as Then qui joue sur les superpositions vocales et les mélodies instrumentales hachurées. Tune-Yards ne se refuse pas à plonger dans l’arène des questions politiques avec Colonizer sur laquelle elle avoue tout bonnement : « I can smell the blood in my voice ». Et bien qu’elle semble aborder la chose d’un angle européen par rapport à l’Afrique, elle se permet un pont qui n’est pas sans rappeler certaines mélodies moyen-orientales. Ça rappelle du même coup qu’en ce moment, en Israël et en Palestine, la colonisation se poursuit quotidiennement. L’album traite abondamment de la position de personne blanche privilégié, le tout venant d’une personne blanche privilégiée. Elle l’aborde avec honnêteté sans jamais se dérober.

Mais Tune-Yards n’est pas simplement là pour nous faire réfléchir. Elle est là pour nous faire danser aussi. Look at Your Hands donne envie de se déhancher tout comme les rythmes atypiques de Private Life.

Tout ceci pour dire que Tune-Yards revient avec un album qui surprend agréablement. Garbus s’est refusée à faire du surplace dès les premières notes du projet et 12 ans plus tard, elle est toujours aussi inventive et possède le courage de se remettre en question.

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