Jet Black
L’ère du vide
- L'oeil du tigre
- 2018
- 38 minutes
« Hey man! Connais-tu Jet Black? »
Je pose la question à un ami un soir d’écoute de musique entre potes à la maison. Bien sûr, je connais déjà la réponse. Comment connaître un groupe férocement indépendant et autoproduit qui n’a pratiquement aucune vitrine sur le Web ou dans les médias en 2018 ? Pas facile. Il y a bien sûr le bouche-à-oreille, mais ça marche davantage avec les groupes de party fédérateurs (Allô, les Quebec Rednecks !)
Le quatuor shoegaze de Québec célèbre cette année les 10 ans de son existence souterraine. Moi, par exemple, je les ai connus par pur hasard en me faisant assigner la critique d’In Paradox, leur 2e album, par le même Canal Auditif que vous consultez présentement. Je les ai également vus plusieurs fois en spectacle, par la suite, avant de réaliser qu’ils font désormais partie de mes groupes favoris de la province. Comme quoi le hasard fait parfois très bien les choses.
Philippe St-Laurent, Stéphanie Vézina, Francis Berthelot et Jean-Philippe Laforge sont donc de retour avec un 3e album intitulé L’ère du vide. Normalement, je les aurais probablement découverts avec cet album, puisque j’écoute systématiquement la majorité des sorties associées à l’étiquette L’Oeil du Tigre. Le fait que l’étiquette punk ait décidé de les distribuer me prouve hors de tout doute que je ne suis vraiment pas tout seul à triper sur leur mur de son.
Ici
Le monde
Sombre et tombe
Avoir
Sans êtreS’élève de rien
Vide de sens
Savoir
Sans craindreEnsemble
Sans l’être
Au singulier
L’abîme
En soiNi bien ni mal
Se battre en vain
Dans l’ère du vide– L’ère du vide
Ainsi vont les paroles aériennes de la chanson titre de l’album, unique pièce en français du répertoire Jet Blackien, qui donne le ton résolument défaitiste de l’album. Véritable manifestation de beauté contemplative au milieu des décombres de l’époque absurde à laquelle nous vivons désormais, L’Ère du vide est un disque qui mériterait de faire le tour du monde et d’être écouté par un maximum de gens. Oui, c’est une belle utopie de penser que tout le monde se mettrait soudainement à aimer un album aussi profond, je sais. Reste que les mélodies composées par le quatuor cérébral vont assurément convaincre les amateurs de shoegaze, de grunge et de musique intelligente, point. C’est un excellent remède temporaire contre l’aliénation ambiante. Les guitares n’ont jamais été aussi inventives, la voix de Phil n’a jamais si bien sonné et la production de Jordon Zadorozny sert habilement le propos. Chaque chanson est une part essentielle de son tout. Malgré un gros faible pour le doublé Like Gravity Wells/All is Wrong, je n’arrive pas à identifier clairement ce que je préfère dans ce flot d’émotions brutes de 38 minutes. J’aime toute.
À une époque où toutes les caméras sont rivées sur le petit gars maquillé de Québec qui réécrit un hit oublié de 1995, ça fait du bien de voir que mon groupe favori de la Capitale a enfin un tout petit peu plus de visibilité qu’avant. Ce texte est ma modeste contribution. Je ne peux pas vraiment faire plus, pour vous les recommander chaudement, que de leur coller une grosse note amplement méritée. Je vais également continuer de les faire écouter aux gens qui répondent à ma question initiale d’un hochement de tête et croiser mes doigts pour que rien n’empêche ce quatuor de continuer à faire ce qu’il sait le mieux faire: transcender ses influences en assaisonnant son nihilisme de beauté, d’espoir et de distorsion. Un gros band québécois, gang.
Un gros band tout court.