Critiques

Hookworms

Microshift

  • Domino Records
  • 2018
  • 46 minutes
7,5

En 2014, la formation anglaise Hookworms nous proposait l’un des excellents albums de ce millésime : The Hum. J’avais été séduit par cet astucieux mélange de glam rock, de krautrock, de space rock qui, parfois, nous escortait dans des sentiers suffisamment punks. Un chanteur-hurleur juste assez mélodique, des guitares explosives, de longs moments narcotiques, des claviers « vintages », le quintette sauvegardait alors le son abrasif qui caractérise tous ces groupes originaires de Leeds – ville située au nord de l’Angleterre – tout en y insufflant une bonne buée de psychédélisme. Même un artiste comme Bobby Gillespie (Primal Scream) a le plus grand des respects pour ces « vers parasites ».

La semaine dernière, après 4 longues années d’absence, Hookworms récidivait avec une troisième création studio intitulée Microshift. Et la gestation de disque n’a pas été des plus commodes. Noël 2015 : le studio maison du groupe fut détruit par les inondations qui ont partiellement englouti le nord de la Grande-Bretagne. Grâce à une efficace campagne de sociofinancement, le groupe a pu se renflouer, suffisamment du moins pour rebâtir un nouveau studio d’enregistrement. Mais ce n’est pas tout : une importante rupture amoureuse, la mort d’un ami et la maladie d’un proche parent sont venues ralentir le rythme créatif de la formation.

Pour toutes ces raisons, le groupe a eu envie de faire peau neuve, de renouveler le son d’ensemble – habituellement plus crasseux – afin d’amorcer un virage plus accessible. Microshift est nettement plus domestiqué que The Hum. Les Anglais incorporent à leur palette sonore de nombreux claviers – postés à l’avant-plan dans le mix – et quelques effets rythmiques électros afin de bonifier le rock qu’ils ont toujours proposé.

Même si la surprise fut de taille aux premières écoutes, Hookworms n’a rien perdu de son intensité ni de sa puissance et continue à créer de superbes moments « dans les vapes ». Mais ce qui vient donner corps à ce changement de cap, c’est l’approche vocale de MJ, le chanteur de la formation. Le jeune homme délaisse complètement les vociférations pour se tourner vers des mélodies carrément pop. Tout cet alliage aurait pu sombrer dans une mièvrerie navrante, ce qui survient trop souvent dans le cas de groupes rock qui empruntent le proverbial chemin de la maturité…

Mais cette fois-ci, la réussite est totale ! La fougue est intacte, les mélodies sont frémissantes et rassembleuses, les claviers en ont fumé du bon, les moments krautrock sont savamment dosés, et j’en passe. Microshift est l’une des foutues bonnes galettes rock à se mettre dans les oreilles en ce début d’année musicale.

Les bons coups ? L’orgue quasi « religieux » dans Opener, la mélodie aussi accrocheuse qu’hypnotique dans Each Time We Pass, le penchant krautrock dans Boxing Day (pièce qui s’achève abruptement) et la conclusive, qui remémore le Tame Impala des débuts, intitulé Shortcomings. Mais la pièce de résistance, qui réunit les côtés givrés et nutritifs du groupe, est sans contredit la puissante Ullswater, comme si Wire rencontrait Simple Minds. Oui, vous avez bien lu. Et ça fonctionne drôlement bien !

Avec Microshift, Hookworms vient d’entrer dans les ligues majeures et élargira son bassin de fans. Je les préfère un peu plus malpropres – bien entendu – mais d’opérer un virage aussi accentué, tout en demeurant pertinent, tout en évitant le racolage mercantiliste, ça relève de l’exploit.

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