Dead Obies
Gesamtkunstwerk
- Bonsound
- 2016
- 82 minutes
Dead Obies lance cette semaine Gesamtkunstwerk, leur nouvel album. Si tu te demandes ce que ça veut dire ce mot-là et qu’en voyant «twerk» dedans, tu penses que ç’a rapport avec ton fessier, tu te trompes. Ça veut dire: «œuvre d’art totale». En fait, c’est un concept allemand qui peut-être lié au travail du français Antonin Artaud (un de mes préférés en théâtre pour ses vues iconoclastes). La bande a nommé l’album ainsi en raison du processus. C’est là aussi que tu te rends compte que les Obies sont plus que des rappeurs bums qui te chantent le ganja et les bars sur Saint-Laurent. Ce sont des artistes qui réfléchissent à leur démarche. Même s’ils disent dans leur documentaire que le résultat n’était pas important, à l’écoute de l’album, on conclut qu’ils y ont quand même pensé.
Enregistrée devant une foule en trois soirs d’octobre dernier au Centre Phi, la bande y va pour un album qui voulait encapsuler l’énergie du spectacle. C’est totalement réussi. Ce qui aide aussi, c’est le nombre de refrains accrocheurs, voire intoxicants, que nous offre le quintette. De la mélodieuse Waiting et la complètement folle et efficace Explosif, les Obies évitent tous les faux pas qui auraient pu joncher le chemin entre le concept et la réalisation.
Par où commencer… commençons avec le travail de fou sur les trames. VNCE ne fait pas de surplace. Il se met en danger constamment et offre des trames à la basse riche, aux rythmes parfois coulants, parfois syncopés. C’est d’un bout à l’autre d’une perfection impressionnante. Il est appuyé dans sa construction par un batteur et un bassiste en direct qui ont leur importance. Sur une chanson comme Johnny, leur apport est essentiel et magnifiquement exécuté. Que dire aussi des choristes qui appuient la bande avec un appui simple, intelligent et calibré à merveille.
T’as l’impression que je capote sur la galette? T’as raison. Les cinq gars offrent un gros album de rap qui n’a de compétition qu’avec Koriass. Même si ce n’est pas une compétition. Parlons des chansons qui vont te réduire le cerveau en bouillie grâce à leur génie. Where They @ balance quelques droites à ceux qui jouent aux plus méchants qu’ils ne sont réellement. Si Dead Obies dit que les paroles n’étaient pas en haut de la liste lors de la conception, sur celle-là, ils ont fait leurs devoirs. O.G. Bear laisse sa voix parler avec le refrain. C’est là qu’il est le plus efficace avec sa voix qui détient une teinte de blues, qui donne le poids d’une tonne de brique à tout ce qu’il chante. Il est tout aussi parfait dans Lil’ $ avec son chant velouté. Cette chanson laisse entrevoir aussi un changement dans les thématiques chez Dead Obies. Sur Montréal $ud, ils étaient verts, arrogants, avaient l’appétit de jeunes loups. Deux ans et demi plus tard, les gars ont changé de refrain. Les difficultés d’actualiser son potentiel en tant que musicien au Québec occupent une place grandissante. La preuve qu’ils chantent leur quotidien. La preuve qu’ils ne sont pas là pour la frime, mais pour s’exprimer. C’est ce qu’on attend d’un rappeur. Après tout, ce n’est pas né dans les bonnes familles de L.A. ce genre -là, mais dans le ghetto de New York.
Toutes les chansons sur Gesamtkunstwerk sont accrocheuses, intelligentes, intéressantes et touche la cible en son centre. C’est parfois un peu moins développé dans les paroles que Montréal $ud. Le groupe a mis plus d’effort sur les refrains et ça paraît. Ça donne des morceaux puissants comme Oh Lord (Live). L’autre minuscule chose qui agace, ce sont les intermèdes inutiles avec des questions. Bien que la volonté de rappeler le côté «événement» de l’enregistrement soit primordiale, ce sont aussi des 30 secondes qui finissent par te taper sur les nerfs dès la deuxième écoute.
Pas une grosse erreur, on s’entend. Gesamtkunstwerk est une réussite totale. Dead Obies avait la rude tâche de sitedemo.cauire un album décent après le mégasuccès de Montréal $ud. Ils ont réussi le pari et les fans seront choyés. Mettons que côté rap, il ne se fait pas beaucoup de choses aussi réfléchies, intelligentes et développées dans La Belle Province. C’est le temps de bouncer big.