Conor Oberst
Ruminations
- Nonesuch Records
- 2016
- 37 minutes
Conor Oberst est un songwriter qui peut autant émouvoir par son intensité que taper royalement sur les nerfs du mélomane dit «trumpien». En ce qui me concerne, j’aime bien son petit côté teigneux à fleur de peau. En 2014, Oberst avait lancé Upside Down Mountain; un disque un peu plus «réalisé» qu’à l’accoutumée sur lequel le réputé Jonathan Wilson a apposé sa griffe. La semaine dernière, Oberst y allait de son 7e album studio intitulé judicieusement Ruminations.
Au beau milieu de la tournée de son groupe de punk prolétaire nommé Desaparecidos (l’album Payola est franchement solide soit dit en passant), Oberst a été hospitalisé pour une laryngite… et des crises d’anxiété aiguës. Le bonhomme s’est donc réfugié dans son Omaha natal. Puisqu’il est un créateur hyperactif, il n’a pu s’empêcher d’écrire de nombreuses chansons et le résultat de ce travail est sur ce Ruminations.
Enregistré en 48 heures par son comparse de longue date, Mark Mogis, ce nouvel album met en vedette un Oberst dans son plus simple appareil: guitare, piano, harmonica et voix. That’s it. Ce qui laisse place aux textes plaintifs du musicien ainsi que son interprétation toujours sentie. Et parlons-en de son interprétation! Pour une des rares fois de sa carrière, et malgré les thèmes mélancoliques abordés, notre homme chante ses chansons avec une certaine retenue émotive qui crédibilise la souffrance exprimée.
Par exemple, dans Counting Sheep, Oberst fait référence à ses impulsions autodestructrices récurrentes en gardant étonnamment son calme: «Life is a gas/What can you do?/Catheter piss/Fed through a tube/Cyst in the brain/Blood on the bamboo»… lui qui est habituellement de nature extrêmement «sanguine». Cela dit, ça demeure un artiste très près de ses émotions, mettons.
Cette création sobre est intéressante, car elle permet de mettre de l’avant l’immense talent de «storyteller» de cet auteur-compositeur. Bien sûr, ça ne révolutionne absolument rien, mais les adeptes de l’artiste seront comblés de retrouver un Oberst sain et sauf et dans un format minimaliste qui lui permet de s’exprimer sans aucune censure.
Parmi mes moments favoris, j’ai pris mon pied à l’écoute de Barbary Coast (Later), la prenante Mamah Borthwick (A Sketch), le riff, un peu tout croche, qui caractérise A Little Uncanny, la pianistique Next Of Kin et la conclusive Till St. Dymphna Kicks Us Out. Est-ce un grand cru? Non, mais voilà un disque d’automne à écouter un dimanche après-midi maussade avec un chocolat chaud bien réconfortant.
Ma note: 7/10
Conor Oberst
Ruminations
Nonesuch Records
37 minutes