Chroniques

Paul Piché

À qui appartient l’beau temps?

Il y a 40 ans sortait À qui appartient l’beau temps? de Paul Piché. Tu vas me dires, LP, voyons donc, t’es un fan de Piché? Ben oui, en fait ses premiers albums, je les aime tous. Pour plein de raisons. Mais commençons avec À qui appartient l’beau temps?

L’album a été réalisé par Robert Léger alors que Serge Fiori et Michel Rivard ont joué de la guitare sur l’album et que Mario Légaré d’Octobre a officié à la basse. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque. On est 1977 en pleine furie Beau Dommage qui n’a réellement été actif que 4 ans. Déjà, le sceau d’approbation qui est étiquetté à Paul Piché est impressionnant. Il faut aussi se ramener à l’époque socialement parlant. Nous sommes trois ans avant le référendum de 80, le PQ de Lévesque est au pouvoir et la ferveur nationale est à son paroxysme de la décennie. La barbe est à la mode (wait… what… Paul Piché et Jacobus même combat?) et Paul Piché arrive avec une approche rafraîchissante au chansonnier. Muni de sa guitare, il réadapte le corpus traditionnel et le modernise en plus de composer des chansons qui sortent du cadre « chansonnier ».

L’album s’ouvre sur une chanson qui deviendra un hymne au Québec : Heureux d’un printemps. Un chant pour le prolétaire à qui l’on vend le rêve américain. Piché déboulonne des situations rappelant que ça « prend des sous pour faire la fête ». Ses protagonistes sont des « monsieur-madame tout le monde » qui doivent gagner leur vie. Il construit tranquillement la pièce, les violons et l’accordéon s’ajoutent. Pour converger vers le mythique « Tam-di-dlam » que bien des Québécois ont chanté en compagnie d’un chansonnier à la Saint-Jean avec un verre ou deux dans le nez. Reste que lorsque le refrain revient pour la dernière fois avec le chœur les poils me dressent toujours sur les bras en me rappelant le sentiment de délivrance que les premiers jours de printemps amènent avec lui.

Y a pas grand chose dans l’ciel à soir continu dans la même veine avec son harmonica hyperactif et ses bruits de bottes qui rythment l’air. Il y a une bonne dose d’autodérision dans la chanson, Piché se critique un peu et ses semblables :

Pour passer l’temps qu’est-ce que tu peux faire,
j’sus ben écoeuré de m’masturber
C’pas en dev’nant humanitaire,
qu’tous mes problèmes vont s’arranger
Y’a des problèmes partout su’a terre,
y faut que j’commence à m’en occuper
Là j’passe toutes sortes de questionnaires,
savoir c’que c’est qu’un ouvrier
Mais si ça marche pas, j’boirais d’la bière,
j’boirais assez pour me soûler
J’jouerai au révolutionnaire
qui bois un peu pour se r’poser
Tout en fumant mes Belvedère,
pis en voyant l’monde à l’envers
M’a être malheureux de toute manière,
la bière m’fait faire de l’urticaire.
Y a pas grand chose dans l’ciel à soir

Ce n’est pas la seule occasion où une certaine autodérision se point le bout du nez sur l’album. Essaye donc pas rit même un peu de la voix de nez de Piché. C’est tout de même l’engagement social, qui par la suite sera retrouvé chez Les Cowboys Fringants et Mes Aïeux, qui retient l’attention. Réjean Pesant lui a magasiné un capital de sympathie non négligeable chez le prolétaire québécois. Encore une fois, les sont années 70 sont le théâtre de soulèvement social et de syndicalisme qui permet à la populace de se tirer d’un certain misérabilisme face aux patrons généralement riches depuis des générations suite à la conquête. La gigue à Mitchounano relate la situation autochtone. Dans ces années, plusieurs venaient de se faire déloger de Mirabel et de Forillon.

Mais l’engagement social n’est pas la seule chose qui anime Paul Piché. Deux chansons se font plus personnelles. La douce Le renard, le loup avec son orgue psychédélique et velouté est au bout du compte une chanson pour draguer. Puis, la traditionnelle Mon Joe a été adapté par Piché et Pierre Bertrand pour donner un résultat fort réussi. Les harmonies vocales sont d’une grande beauté et la montée est construite avec adresse. Une façon fort réussie d’adapter une ritournelle de jour de l’an.

Mais encore bien plus doux
Gaie lon la mon Joe ma lurette
Mais encore bien plus doux
De dormir avec elle
De dormir avec elle mon Joe
De dormir avec elle
Dans un grand lit blanc
Gaie lon la mon Joe ma lurette
Dans un grand lit blanc
Tout près d’une chandelle
Tout près d’une chandelle mon Joe
Tout près d’une chandelle
Mon Joe

Tout ça pour dire qu’À qui appartient l’beau temps est un album qu’il faut célébrer parce que 40 ans après sa sortie, il est toujours capable de se défendre. La poussière semble être incapable de s’y attacher. Et 40 ans plus tard, si en tant que société on a fait des progrès, c’est encore à se demander si les choses ont tant changé :

Viarge, viarge, viarge d’argent
Tout c’qu’y veulent c’est que j’fasse un encan
Visse et visse et vice versa
Tombe, tombe cette bâtisse-là
Tombe, tombe ce pays-là
On est pas maîtres dans nos maisons
Car vous y êtes.
Réjean Pesant

1. Heureux d’un printemps (Inspiré de la Turlute d’Antonio Bazinet)
2. Y a pas grand-chose dans l’ciel à sor
3. Le renard, le loup
4. Réjean Pesant
5. Essaye donc pas
6. La gigue à Mitchounano
7. Jean-Guy Léger (Paul Piché et Armande Darmana)
8. Mon Joe (Traditionnel adapté par Paul Piché et Pierre Bertrand)
9. Chu pas mal mal parti
10. Où sont-elles? (Traditionnel adapté par Paul Piché)

Paul Piché
À qui appartient l’beau temps?
Audiogram
34 minutes
1977

Inscription à l’infolettre

Ne manquez pas les dernières nouvelles!

Abonnez-vous à l’infolettre du Canal Auditif pour tout savoir de l’actualité musicale, découvrir vos nouveaux albums préférés et revivre les concerts de la veille.