Critiques

Yard Act

The Overload

  • Island Records
  • 2022
  • 37 minutes
8
Le meilleur de lca

En tout début d’année, ce quatuor originaire de Leeds en Angleterre a fait paraître un excellent opus qui honteusement — ne craignons pas les mots — a passé sous nos radars. Formé de James Smith (voix, textes), Ryan Needham (basse), Sam Shjipstone (guitare) et Jay Russell (batterie), Yard Act a séduit plusieurs adeptes de post-punk grâce à son approche musicale dansante et à ses thématiques qui pourfendent le capitalisme jusqu’au-boutiste et l’embourgeoisement sans scrupules. C’est aujourd’hui que nous remettons les pendules à l’heure avec cette critique-rattrapage du premier long format de Yard Act intitulé The Overload.

Dès les premières auditions, vous serez immédiatement attirés par l’interprétation parlée chantée de James Smith. Le chanteur-parolier s’inspire du phrasé incisif / saccadé d’Alex Turner (Arctic Monkeys) — particulièrement celui qu’il dispensait sur l’album Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not (2006) — et de l’approche vocale de feu Mark E. Smith (The Fall).

La démarche littéraire de Smith mérite qu’on y porte une attention particulière. Dans Rich, il fixe le projecteur sur tous ces nouveaux riches dont l’accession à un statut social « supérieur » relève plus d’une conjoncture favorable que d’un véritable talent à amener un projet entrepreneurial à maturité :

Almost by accident

I’ve become rich

– Rich

L’introductive pièce-titre, elle, relate l’histoire d’un solide buveur de pintes fréquentant un pub situé à proximité de chez lui qui, après quelques verres, se plaint de la mauvaise communication qui sévit dans son débit de boisson préféré. Hilarant !

Deux pièces mettent habilement en lumière les tensions grandissantes entre les classes sociales : The Incident et Witness (Can I Get A?). Quarantine the Sticks et Pour Another font référence de façon caustique à la chute des démocraties libérales. Dans Dead Horse et Payday, ce sont les conséquences économiques du capitalisme post-Brexit qui sont exposées avec sarcasme.

Musicalement, Yard Act est un efficace croisement entre Gang of Four, Sleaford Mods, Talking Heads The Fall et The Clash. La cohabitation entre la prose fiévreuse de Smith et les riffs acérés de Sam Shijpstone, conjuguée à la section rythmique entraînante gracieuseté du duo Needahm / Russell, fait de ce The Overload un disque franchement divertissant.

Parmi les autres pièces qui se démarquent, la mixture de post-punk et de hip-hop entendue dans Land of the Blind est une éclatante réussite. L’équilibre entre frénésie et contemplation, qui différencie Tall Poppies et 100% Endurance des autres pièces de l’album, fait partie des moments forts de cette première production.

Au cours des cinq dernières années, de nombreux groupes issus de la mouvance post-punk ont tenté de repousser les frontières d’un style musical qui, par moments, pouvait s’avérer répétitif et même conventionnel, à certains égards. Des formations comme Black Country, New RoadBlack Midi et Dry Cleaning, pour ne nommer que celles-ci, ont réussi à remanier les codes du genre. Yard Act s’ajoute à cette liste.

The Overload est un miroir grossissant de cette comédie humaine qu’est l’existence.