Critiques

Wolf Parade

Thin Mind

  • Royal Mountain Records / Sub Pop Records
  • 2020
  • 43 minutes
6,5

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les gars de Wolf Parade ne chôment pas depuis leur retour en 2016, après une absence de six ans. Ils ont d’abord lancé un court EP de quatre titres, puis un nouvel album, le très satisfaisant Cry Cry Cry en 2017. Les voici déjà de retour avec Thin Mind, qui poursuit dans la même veine que son prédécesseur avec une production assez léchée et un côté années 80 plus assumé.

Réglons tout de suite une chose : non, ce nouvel opus n’a pas la stature d’Apologies to the Queen Mary, le premier album du groupe lancé il y a 15 ans et qui a contribué à asseoir la réputation de Montréal comme plaque tournante de l’indie rock. Je doute en fait que la formation parvienne un jour à recréer la magie de ce classique, et j’avoue que je ne le souhaite pas vraiment. La nostalgie est un couteau à double tranchant et les artistes ont généralement très peu à gagner à ressasser le passé.

La troupe, devenue un trio depuis le départ du multi-instrumentiste Dante DeCaro, ne semble d’ailleurs aucunement intéressée à rejouer dans le même film, et c’est tant mieux. Le précédent Cry Cry Cry marquait justement un léger changement de direction musicale pour le groupe, avec l’ajout d’un certain côté « épique » à la Springsteen pour pimenter son post-punk sombre. Mais la grande différence se situait du côté de la production plus proprette signée John Goodmanson.

C’est encore le cas sur Thin Mind, mais ce n’est pas toujours une mauvaise chose. Il y a un aspect très « ciselé » aux compositions de Spencer Krug et de Dan Boeckner, avec ces lignes de guitare et de synthés qui s’entremêlent sur des rythmes post-punk qui flirtent avec le prog à l’occasion, et une production plus précise permet de mettre tout ça en valeur. Mais ce qu’on gagne en clarté, on le perd en saleté. La batterie est scintillante, un tantinet mécanique par moments, tandis que les voix sont finement travaillées, ce qui leur enlève un peu d’urgence dans la livraison, malgré des textes qui le nécessiteraient. Il y a aussi un côté pop un peu plus assumé cette fois, avec davantage de synthés, qui peut rappeler le son du groupe Operators, le projet parallèle de Boeckner, qui a lancé l’an dernier le très réussi Radiant Dawn.

L’album démarre en force avec Under Glass, qui porte en elle tout ce qu’on aime de Wolf Parade : une énergie fiévreuse, des guitares tranchantes et un texte inquiétant qui me fait penser au roman Under the Dome de Stephen King. En fait, on n’est pas loin ici de l’univers dystopique d’Operators. Le trio enchaîne avec l’excellente Julia Take Your Man Home, qui porte la griffe de Spencer Krug, très en forme ici. Parmi les autres titres réussis, on retient The Static Age et Town Square.

Comme c’est devenu leur habitude, Boeckner et Krug s’échangent le rôle de chanteur d’un morceau à l’autre. Leurs harmonies sont particulièrement réussies sur Against the Day, et on se dit qu’ils gagneraient à partager le micro plus souvent. Les deux apportent quelque chose d’unique à Wolf Parade : le rock plus carré de Boeckner, et celui plus torturé de Krug. Mais ils ont aussi leurs tics, notamment Boecker, dont on reconnaît certaines tournures typiques de son travail au sein d’Operators (cette idée qu’on est « maudits »; la plage comme paysage de fin du monde).

Bon, je me relis et je me rends compte que je suis en train de fendre les cheveux en quatre. Thin Mind demeure un album efficace, qui exprime avec beaucoup d’acuité le chaos de notre époque (très belle pochette un peu « cartoonesque »). Mais ce n’est pas un disque d’exception, avec malheureusement des titres un peu ordinaires (Out of Control, Fall into the Future) qui atténuent la force de la proposition.

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