Une vieille cabane en bois. Autour d’elle, un paysage rustique composé d’une rivière et de la forêt boréale québécoise. À l’intérieur, quelques bouteilles entamées (majoritairement du scotch) trainent par terre à côté des mégots. Un bidon d’essence est planqué dans le coin de la pièce, et quelques tronçonneuses sont accrochées au mur. Et évidemment, un tracteur et un pick-up sont stationnés dans la cour. Voilà à quoi ressemblerait le deuxième album de Tom Chicoine s’il était une peinture. Et, comme en arts visuels, on doit réfléchir un peu pour comprendre le sens derrière les images.

L’artiste de Saint-Dominique-de-Bagot déploie ce champ lexical typique de la musique country pour parler avec sensibilité de thèmes comme la solitude ou la relation avec autrui. En lisant un extrait de la dernière chanson, la très épurée La complainte des scies à chaîne, on peut déjà avoir un aperçu de l’habile plume de l’auteur-compositeur-interprète.

Et je sais qu’ta tête est prise d’in branches. L’eau d’érable dans tes yeux
M’aide à comprendre tout c’qui passe. Dans tes silences
On écoute pleurer les scies à chaîne. Les confettis de bois
Nous aideront pas à s’corder Quand c’est coulant sous les pieds
– La complainte des scies à chaînes

Si la métaphore occupe une place importante dans l’œuvre, on peut en dire autant du rock. On comprend dès les premières pistes que le moteur super sport de Chicoine est bien survolté! Par exemple, la chanson Divertir offre une cadence très rapide qui donne immédiatement envie de prendre la route et de baisser les fenêtres. La savoureusement « bluesy » Michel, quant à elle, propose un « groove » qui fait beaucoup penser à certaines pièces du premier album (homonyme) de Dire Straits.

Vous pouvez déjà deviner que les guitares occupent une place prépondérante dans l’opus. Aux grands maux les grands moyens! Pour honorer cet instrument, Chicoine s’est entouré de David Marchand (Zouz, Mon doux saigneur) et de Warren Spicer, qui a aussi signé la réalisation du disque. Se joignent à eux, notamment, Alex Burger à la basse, Arielle Soucy et Anna Frances Meyer (les deuxluxes) aux chœurs, Lisandre Bourdages (Les Shirley, NOBRO) aux percussions et Mandela Coupal-Dalgeish à la batterie. Sans oublier Mara Tremblay, qui pose sa voix et son violon sur la chanson Raison.

Le rock prend quelques pauses par moment, et c’est approprié. La très intéressante Rivière madeleine s’habille d’une musique qui évoque un peu les western spaghetti, notamment avec l’aide des voix de Erika Angell. Ça parait (14-4-3-13) est une douce balade portée par la guitare acoustique et le pedal steel qui génèrera vraisemblablement un moment touchant en spectacle.

Je suis le forcite. Tu es le gaslight
On a foutu le feu Partout où l’on veut
On aurait pu faire un boutte. Pis prendre l’autobus
J’t’aurais suivie partout Mais tu m’as poussé en dessous
– Ça paraît (14-4-3-13)

Avec ce deuxième effort, Tom Chicoine pose sa propre signature sur le country, et consolide sa place parmi les artistes incontournables du genre au Québec. Il nous dévoile avec panache le genre de cowboy qu’il est, et nous donne drôlement envie de le suivre.