Critiques

Thick Glasses

L’échec héroïque

  • Hell For Breakfast
  • 2022
  • 35 minutes
7,5

Même si le nom du groupe pourrait nous donner l’indice qu’il s’exprime dans la langue de Sheakspeare, c’est bel et bien en français que Thick Glasses nous présente son punk rock alternatif. Fort de deux EP qui ont reçu un accueil assez enthousiaste, le quatuor formé de Charles de Villers (voix, guitare, synthés), Étienne Dubé (basse), Gabriel Guimond-Mercille (batterie, percussions) et David Roy (voix, guitare), lançait la semaine dernière un premier long format en bonne et due forme : L’échec héroïque.

En fait, la formation mélange avec une fluidité étonnante des ascendants punk, rock, emo et même hardcore, comme si les influences de Bad Religion, Nirvana, Cloud Nothings et Smashing Pumpkins avaient été judicieusement malaxées. Le titre de l’album, lui, a été emprunté à l’humoriste gauchiste — et c’est loin d’être péjoratif — le courageux Fred Dubé.

L’échec héroïque est un hommage senti à tous ces individus qui, à l’encontre de leurs profondes convictions, s’adaptent aux exigences d’une société « instagrammée », dopée au bonheur consumériste et au sourire « colgate ». Ce disque vitaminé dégage une énergie empathique destinée pour tous ces gens qui se sentent largués et qui s’accrochent à la seule et unique chose de réellement satisfaisante en ce bas monde : le moment présent.

Le refrain-matraque et ultra accrocheur dans Mydriase est une bonne indication des tons littéraires et musicaux dispensés par Thick Glasses tout au long de l’album :

Donne-moi, donne-moi ton aura

Pis j’te refilerai en échange

Tout ce qui va pas

Donne-moi, donne-moi ton aura

T’as l’air de si bien voir en moi

Ce que je ne suis pas

– Mydriase

Dans l’hymne « à la Cloud Nothings » intitulé Edward Blake, Thick Glasses met en lumière avec des mots simples, mais criants de vérité, cette frénésie productiviste et consumériste dans lequel nous vivons; un délire qui plombe la réflexion, qui refuse le calme et la contemplation, empêchant l’humain de se connecter avec ses véritables désirs et envies :

J’embarque comme un con dans le train

J’ride sur un vélo pas d’freins

Ma barque pleine de trous sans fin

Mes pieds rongés comme mes mains

– Edward Blake

Parmi les autres moments forts de L’échec héroïque, on note l’introductive pièce-titre qui démarre avec un « blast beat » pour se transformer en un hymne pop-punk frémissant. Au risque de paraître répétitif, les refrains dans Bam Margera et Paladin (Niveau 66) sont franchement émouvants, à rendre jaloux Dylan Baldi, le meneur de Cloud Nothings. La lourdeur quasi shoegazienne entendue dans Porte-malheur est une véritable pourvoyeuse de frissons.

Mais ce qui a enthousiasmé l’auteur de ces lignes, malgré les structures chansonnières assez conventionnelles et l’influence un peu trop appuyée, par moments, du punk rock californien, ce sont tous ces refrains imparables, rarement entendus dans le rock québécois, et qui donnent envie de chanter à tue-tête avec Thick Glasses. Ce groupe est aussi pertinent que fédérateur ! Une chose très rare.

Amateur de punk rock alternatif grinçant, puissant et compatissant, ce premier album de la part de Thick Glasses pourrait vous plaire sérieusement.

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