The Lemon Twigs
Songs for the General Public
- 4AD
- 2020
- 43 minutes
Songs for the General Public marque le retour des jeunes frères D’Addario de The Lemon Twigs. Avec un titre comme celui-là, est-ce que le groupe a vraiment fait un album plus accessible? Est-ce que c’était vraiment inaccessible à la base? Certainement moins percutant que le premier album Do Hollywood, ce troisième disque ne s’aventure pas trop loin de ce qui a fait la marque de commerce du groupe : un rock n’ roll assez pop et glam clairement inspiré de la musique des années 60 et 70 et particulièrement des Beatles, Bowie et Todd Rundgren. Un genre maîtrisé et exécuté avec passion, une poésie corrosive et une énergie contagieuse, mais tout de même un album qui n’amène rien de complètement nouveau.
La première chanson Hell on Wheels décrit une virée délicieusement crasse pour jeunes bums amateurs de manteaux de cuir et de cigarettes. Ce bon début annonce un album au charme excentrique et à l’attitude outrageuse. :
« I picked you up ’cause you looked like hell and you were on your own trip […] Hell on wheels Dirty screaming white hot jeans Looking for a place to dream ».
-Hell on Wheels
Sur quelques morceaux, le groupe se départit de sa pop des années 70, une pop agréable et dansante, mais pas toujours aussi révolutionnaire que celle des années 60. Ce changement rafraîchissant se remarque particulièrement sur l’excellente Leather Together qui explore un son légèrement plus garage ou même punk. Avec une énergie tout aussi sauvage et captivante, Moon ressemble à un hymne à la différence : « Oh, there are simple people, who don’t agree / With the life I’ve chosen The things I wanna do ». Ce cri du cœur résonne à travers ses intonations vocales brutes, son solo d’harmonica possédé par le démon et ses aspirations à un meilleur futur : « Make you feel like you gonna get out of here ».
Sur une musique psychédélique renforcée de chœurs pop accrocheurs, No One Holds You Closer (Than The One You Haven’t Met) dégage un besoin de défoulement : « Don’t wanna be there for you when you’re alone and need a loving touch ». Cette frustration s’accumule sur Fight où une relation amoureuse s’est transformée en relation de haine : « I need you just like I need a hole in the head ». Cette chanson marie un règlement de compte acerbe à une mélodie dansante aux envolées vocales senties. Laissant présager une douce chanson d’amour, Hog surprend avec ses paroles très crues : « My hate knows no bounds and all I can think of are ways I would kill you » ainsi que son revirement diabolique inattendu en plein milieu. Visiblement, The Lemon Twigs a besoin de ventiler ces temps-ci.
Le groupe expérimente plusieurs genres, sans jamais trop s’éloigner de son style caractéristique, et ne se retient pas pour essayer de nouvelles choses, aussi extravagantes soient-elles. Only a Fool s’aventure dans une pop progressive énergique et intéressante, alors que Why Do Lovers Own Each Other? explore une pop baroque électronique. Pour sa part, Somebody Loving You propose des sonorités étranges parfois baroques parfois psychédéliques, ainsi qu’une basse groovy, des petits bruits électroniques bien inusités, des chœurs réconfortants et une voix principale étonnante en harmonie avec le ton singulier de la chanson.
À la première écoute, Songs for the General Public ne séduit pas aussi rapidement que le tout premier Do Hollywood. Les vers d’oreille y sont moins évidents et moins époustouflants. Si The Lemon Twigs semble ne pas se réinventer et seulement recréer une formule qui avait fait ses preuves bien avant l’existence même des frères, c’est parce que ceux-ci ont trouvé leur style préféré à partir duquel expérimenter et innover. Les talentueux et audacieux musiciens à paillettes réussissent tout de même à créer des mélodies subtiles, étonnantes et complexes à la poésie cinglante qui demandent et surtout méritent plusieurs écoutes pour être bien apprivoisées.