Critiques

Are the Last of the Great Thunderstorm Warnings

The Besnard Lakes

Are the Last of the Great Thunderstorm Warnings

  • Flemish Eye
  • 2021
  • 72 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Situé entre le shoegaze et le psych-prog, The Besnard Lakes est passé maître dans l’art de créer des murs de son, massifs et texturés. Cinq ans après A Coliseum Complex Museum, qui offrait un rock un peu plus direct, le groupe revient à son côté plus éthéré sur le sublime The Besnard Lakes Are the Last of the Great Thunderstorm Warnings, une odyssée de haut vol où le compromis n’a pas sa place.

Les Besnard Lakes n’ont jamais craint d’afficher leur penchant « prog », malgré les connotations péjoratives du terme. En 2010, dans la foulée de la sortie de l’album The Besnard Lakes Are the Roaring Night, le chanteur et guitariste Jace Lasek avait admis l’influence du Tales from Topographic Oceans de Yes sur la pochette et le fait que certaines chansons étaient divisées en deux parties. Le rock atmosphérique du groupe lui a également attiré de nombreuses comparaisons avec Pink Floyd.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que les Besnard Lakes se sont donné les moyens de leurs ambitions, cette fois. En effet, The Besnard Lakes Are the Last of the Great Thunderstorm Warnings est un album double de plus de 70 minutes. À elle seule, la chanson-titre fait près de 18 minutes, même si la durée est trompeuse puisque la pièce se termine en fait sur une longue coda ambiante. Au final, le groupe dit avoir voulu créer une suite qui s’écouterait d’un bout à l’autre, un peu à la manière de The Dark Side of the Moon, ou même Lazer Guided Melodies de Spiritualized.

Ça prend certes un peu de culot pour arriver avec une telle proposition en 2021, et ça prend surtout un groupe qui a pleine confiance en ses moyens. Les Besnard Lakes ont choisi de n’en faire qu’à leur tête, privilégiant la liberté de création au détriment des quelconques attentes d’une industrie qui préfèrent les trucs un peu plus formatés (oui, la musique indie a elle aussi ses conventions, au même titre que la pop.) Hasard ou pas, le groupe a d’ailleurs rompu ses liens avec l’étiquette Jagjaguwar, après une association de près de 15 ans, pour signer avec le label Flemish Eye.

Musicalement, The Besnard Lakes Are the Last of the Great Thunderstorm Warnings est un album d’une incroyable densité, avec ses multiples couches de guitares et de claviers savamment assemblées. Il est d’ailleurs assez impressionnant de constater à quel point la formation arrive à créer un son d’une telle profondeur en s’appuyant sur une instrumentation plutôt conventionnelle. Certes, Jace Lasek possède son propre studio, ce qui lui donne la latitude nécessaire pour construire une musique d’une précision implacable, sans qu’on y perde en émotion ou en intensité.

Le thème de la mort plane sur tout l’album, Lasek ayant perdu son père en 2019. La première partie est davantage contemplative. Raindrops est un morceau empreint de mélancolie, avec un texte qui rend hommage à Mark Hollis, regretté leader de Talk Talk (« On the other side of the world is my backyard / Garden of Eden spirited, did it need to be protected? »), tandis que Christmas Can Wait évoque un peu Shine on You Crazy Diamond de Pink Floyd, avec la voix délicate d’Olga Goreas.

D’autres titres rappellent le son plus classique des Besnard Lakes, dont l’excellente Our Heads, Our Hearts on Fire, qui combine un refrain à la Beach Boys sur un riff de type shoegaze. Feuds with Guns est un titre plus léger, lui aussi d’inspiration pop, tandis que New Revolution offre ce qu’il y a de meilleur chez la formation : de riches harmonies vocales, des guitares musclées et une irrésistible montée d’intensité. Quant à la chanson-titre, elle se classe parmi les pièces les plus puissantes du répertoire de la bande à Lasek et Goreas, comme si toute l’énergie amassée au fil de l’album jusque-là se relâchait dans un grand moment d’apothéose. Frissons garantis.

The Besnard Lakes Are the Last of the Great Thunderstorm Warnings est un album qui nécessite quelques écoutes pour être apprécié à sa juste valeur. C’est également un disque qui prône la patience et qui demande qu’on s’y investisse pleinement. Pour dire vrai, il n’y a pas grand-chose de réellement prog ici, si ce n’est l’ardent désir de créer une musique qui évoque quelque chose de plus grand qu’elle.

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