Critiques

T. Gowdy

Therapy With Colour

  • Constellation Records
  • 2020
  • 29 minutes
7

T. Gowdy, également connu sous le nom Tim Gowdy, est un compositeur de musique électronique qui est apparu sur la scène montréalaise il y a deux ans avec un excellent premier album, B-Stock (2018), qui propose une sonorité gravitant autour de l’ambiant industriel et la techno expérimentale. Il a renchéri la même année avec un deuxième album assez différent, Vitrify Kate, qui remplaçait l’esthétique industrielle par des séquences scintillantes et réverbérées de musique électronique de chambre. Une orientation qu’il allait conserver sur Pachira Aquatica (2019), tout en intégrant davantage d’imprévisibilité dans l’évolution des thèmes mélodiques, et se rapprocher par moment de quelque chose de plus expérimental. Compositeur résolument prolifique, Gowdy est revenu cet été avec un quatrième album, Therapy With Colour, disque enregistré en direct avec l’artiste visuel Laura Buckley.

L’artiste sonore conserve le moule ambiant, presque drone, et retrouve une partie percussive qu’on avait perdue de vue depuis B-Stock; une combinaison plus dynamique qui fait taper du pied, et peut aussi faire planer.

Therapy With Colour démarre de façon itérative avec une pulsion synthétique qui oscille en duo avec une accumulation de percussions courtes, comme des doigts qui suivent le rythme sur une surface résonante. Une onde sinusoïdale vient s’installer dans les basses, comme un orgue simulant un om méditatif, celle-ci secondée par une deuxième pulsion itérative plus claire qui joue avec les harmoniques. Depse coupe l’effet d’apesanteur et passe à une séquence de basse étouffée qui tourne en boucle comme un mécanisme fermé. Le thème s’éclaircit très lentement, au point de se demander s’il change vraiment, pour révéler un bruit vaporeux accompagné d’un signal radio de satellite. L’atmosphère de station spatiale est finalement complétée par une minuscule ligne mélodique de trois notes soufflées à travers un effet wah-wah, dans ce cas-ci, on y entend wah-wah-wah.

Up CTRL enchaîne sur une séquence très courte construite à partir d’un frottement de balai, un tapement sec et une oscillation sinusoïdale ressemblant à une coupe de verre qui résonne. Le trio forme une itération assez rapide à laquelle s’ajoute une basse techno et quelques notes réverbérées bien placées. No Wave II continue de façon percussive, servant de décorations à une basse bien profonde qui rampe lentement au sol, loin en dessous du filament mélodique étouffée par l’effet de pompage. Le thème reste sur le même accord jusqu’à un changement de note vers la fin, nous laissant imaginer la suite. Excavating Air part d’un bourdonnement industriel interrompu sporadiquement par un effet de pompage, accentuant la trame comme si l’oreille se rapprochait du mécanisme. Une pulsion harmonique prend place rythmiquement, et se clarifie de façon progressive pour faire évoluer la mélodie vers un accord complet réparti à travers les strates.

Sans la démarche artistique qui a mené à la performance et l’enregistrement de l’album, Therapy With Colour laisse l’impression d’une suite de cinq mécanismes étudiés avec délicatesse et précision. Le motif de départ, répété du début à la fin sur chaque pièce, crée un effet entraînant et hypnotisant qui rend l’expérience relativement abstraite et insaisissable. Avec la démarche en tête, on apprécie évidemment que Gowdy se soit inspiré de ses expérimentations avec une mind machine, version contemporaine de la dream machine de Gysin et Sommerville, pour composer une trame atmosphérique raisonnablement relaxante.

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