Siamois Synthesis
Feu Aimant
- Ambiances Magnétiques
- 2020
- 42 minutes
Siamois Synthesis est le nouveau projet, et l’heureuse rencontre, de quatre artistes de la scène musicale expérimentale, soit Maxime Corbeil-Perron aux claviers et objets électroniques, Sylvain Gagné à la basse électrique, Maya Kuroki au chant trafiqué et Simon Trottier à la guitare électrique. Bien que les quatre membres aient collaboré à plusieurs reprises auparavant, en duo généralement, l’espace-temps était enfin aligné pour aboutir à un quatuor et un premier album nommé Feu Aimant, lancé en février dernier. On constate rapidement la dimension du territoire couvert par l’esthétique sonore, s’inspirant du rock expérimental, du post-rock et des trames de film rétro des années 70 et 80. On apprécie par la suite le contraste entre les éléments structurés et réfléchis, qui mènent intuitivement vers ceux plus déconstruits et improvisés.
Blossoms (redux) ouvre sur une suite d’arpèges au clavier, comme un orgue ondulé qui mène vers une combinaison post rock, dont la guitare, la basse et la trame rétro créent une grande pulsation mélodique. La voix de Kuroki se place dans un coin, chuchotant un monologue à travers un effet de réverbération qui imite les tuiles froides d’une salle de bain. La pièce monte progressivement en intensité, atteignant un plateau durant la deuxième moitié qui combine de manière épique les harmonies musicales avec les effets de saturation. 4AM revient sur terre avec un ronronnement électrique secondé par des notes de guitare en écho, créant un interlude à la limite de l’apesanteur, particulièrement reposant après le décollage précédent. Le kick techno de Soleil Nocturne se fixe au sol, au-dessus duquel s’ajoute une guitare dissonante qui scie les fréquences en deux, avec une basse électrique relativement douce qui prend en charge la mélodie. Kuroki apparaît tout en réverbération en chantant des notes soutenues comme des filaments angéliques qui se faufilent à travers les effets, passant du no wave au spoken word tout naturellement. La combinaison change vers une troisième partie entraînante qui reprend le kick et élève ça à un niveau très enthousiaste, passant ensuite à un dernier mouvement développé autour de la guitare électrique.
Random Other plane comme une courte trame de prog-rock dans laquelle les notes de slide guitar s’étirent à travers l’espace, laissant la ligne de basse prendre le relais comme guide mélodique. TriggerWarning_drumsdrumsdrums alourdie le tempo avec son rythme lent à la basse et la guitare, créant une progression dramatique qui devient de plus en plus saturée. Le mélange, à saveur expérimentale, fait penser à du psychobilly ralenti tout près du point de rupture, mais sans laisser tomber le thème musical. Urizen change de direction pour une boucle percussive accompagnée d’une trame ambiante, dissonant légèrement, comme un vieux ruban magnétique. Une fois les harmoniques bien établies, le rythme redouble d’efforts à l’avant dans le mix, pendant que la voix de Kuroki réverbère vers l’arrière. Le monologue devient un peu plus compréhensible rendu au segment flottant, dans l’intention du moins, le temps de reprendre le souffle avant de repartir dans une densité post-rock. Sans Fracas résonne au loin comme un vibraphone saturé placé dans une pièce adjacente. La basse électrique suit mélodiquement, secondée par les effets de larsens de la guitare électrique et concluant en équilibre entre la consonance et la dissonance.
C’est précisément de ça qu’il s’agit sur le premier album du quatuor, l’équilibre entre deux états qui, pour faire un lien avec le titre de l’album, revient à un premier mets bien préparé auquel on met le feu pour obtenir le deuxième, plus chaotique et imprévisible. Il y a une dimension pyromane à cet album qui s’inspire de l’effet hypnotique de regarder un feu de camp, et d’écouter des thèmes musicaux qui se consument à ouïe d’oreille (haha!). Bref, au-delà de l’action de brûler affectueusement, ce premier album révèle une combinaison riche et complexe, dont les saveurs ne se libèrent pas toutes dès la première écoute. Il faut laisser mijoter un peu pour en apprécier toutes les subtilités.