Critiques

Shabazz Palaces

The Don of Diamond Dreams

  • Sub Pop Records
  • 2020
  • 42 minutes
6

Difficile de limiter les attentes lorsque notre nom est associé au projet musical légendaire qu’est Digable Planets. Ishmael Butler, autrefois connu sous le nom de Butterfly, avait l’habitude de partager le micro avec Ladybug Mecca, Doodlebug et Silkworm sur des productions sonores phénoménales. Il faut dire que pendant un moment, Butler a su répondre aux attentes en offrant Black Up et Lese Majesty, respectivement premiers et deuxièmes longs projets sous le nom de Shabazz Palaces.

Butler a toujours su chatouiller les bordures entre production musicale et production électroacoustique. Sur The Don of Diamond Dreams, nouvelle offrande venant de Shabazz Palaces, la limite entre musique et assemblage sonore s’amincit et dévoile un projet davantage musical. Si c’était « l’incohérence cohérente » des productions sonores et l’unicité des propos qui créait l’engouement autour de Black Up et Lese Majesty, on ne peut nier que cet engouement était aussi alimenté par la fraîcheur de la nouveauté dans le monde réglementé du hip-hop. Si déjà le vent de Quazarz : Born on a Gangster Star était moins frais que celui de ses précédents, le vent de The Don of Diamond Dreams ne l’est tout simplement plus. Les productions sonores se restreignent sur des rythmes hip-hop modernes et surutilisés, les sons semblent de moins en moins impulsifs et crus.

C’est lorsqu’on porte une attention particulière aux paroles que l’album gagne en valeur :

« Divine mathematics designer fabrics aligned to my cash app maverick status

Sphinx of the pink cabin the links Ethiopian gold karats

Drinks clink watch the lake from theological terrace

One wink and the girl thinking marriage »

Ad Ventures

C’est sur la pièce Ad Ventures que l’on peut entendre Butler cracher ces rimes. On évoque des propos plutôt classiques pour le monde du hip-hop ; l’abondance monétaire ainsi que la facilité à charmer la gent féminine. D’une part, la façon à laquelle ces thèmes sont évoqués est unique, de l’autre, faire couler autant de rimes en « ink » montre un niveau de difficulté qui démarque l’ancien papillon du reste de la masse. L’originalité des propos ne se dissipe en aucun cas au courant de l’album. Le problème, c’est qu’il y a tellement de délai, de distorsion et de trémolo sur la voix de Butler qu’on doit vraiment s’y attarder pour y voir le diamant caché.

The Don of Diamond Dreams sera probablement le travail de Shabazz Palaces le plus écouté. Son penchant pour des productions plus conventionnelles qu’autrefois fait de l’opus une pilule plus facile à avaler. C’est dommage puisque l’attrait du travail de Butler était, au contraire, la quasi-impossibilité à avaler la pilule qu’il nous donnait. Si Black Up était unique, dérangeant, impulsif, violent et cru, The Don of Diamond Dreams est original, sans plus.