Critiques

Russian Circles

Blood Year

  • Sargent House
  • 2019
  • 40 minutes
7,5

Fumée, encens, sauge et bois de Palo Santo… L’album Blood Year évoque un rituel ésotérique, quasi satanique, car le son de Russian Circles possède des traits tribaux, sauvages, voire primaux. Les membres se transforment en chamans qui nous guident dans une sorte de quête, où les sons deviennent autant d’indices pour assembler un grand casse-tête sombre.

Le groupe a lancé son septième album Blood Year le 2 août dernier, suivant Guidance (2016). La pochette énigmatique (les triangles sont à la mode, décidément…) évoque dans son expression la plus simple des montagnes et un soleil, ou peut-être des bâtiments, sortes de dessins d’architecture abstraite.

D’emblée, on remarque que le guitariste Mike Sullivan fait vraiment le son du groupe. L’unique et gigantesque guitare sonne « evil », un peu comme Satyricon en plus vaporeux et évanescent, particulièrement sur Milano. Cette pièce amène à différents endroits et moods sans qu’on s’y attende: dans le tragique, le mélancolique, et aussi l’espoir. Celle-ci est également étrangement cruelle, comme des poignards de glace dans le cœur. L’album sonne donc résolument black metal par moments, avec ses ambiances graves, grises et pluvieuses, parfois entremêlées de sang. 

La distorsion dans la basse ajoute aussi vraiment quelque chose de plus à l’ensemble. Tout est découpé très précisément, le son est propre et professionnel, rien ne dépasse. La superposition de quelques guitares rend les chansons plus touffues, mais la plupart du temps, elles semblent vraiment avoir été composées en vue des spectacles. À noter: cet album a été enregistré au légendaire studio Electrical Audio de Steve Albini (Pixies, Nirvana, PJ Harvey et The Jesus Lizard), où les trois membres ont joué les chansons complètes sans métronome, tous dans la même pièce, de façon « live ». C’est d’ailleurs Kurt Ballou de Converge qui a produit Blood Year.

L’ambiance créée dans cet opus évoque aussi une chevauchée avançant à toute vitesse dans le bois et la nuit noire; Blood Year aurait pu constituer une trame sonore alternative à Sleepy Hollow, surtout sur Quartered. La plupart des chansons possèdent un tempo lent, mais ce n’est jamais ankylosant. C’est plutôt cathartique. Hunter Moon et Ghost on High, respectivement première et cinquième pièce, font office d’introduction et d’interlude, possédant des caractéristiques différentes des autres. Plus courtes, elles sont également les seules pièces à être composées avec de la guitare clean et à être sans rythmes, le tout pour un résultat ambiant, abouti et réussi. Elles sont d’ailleurs assez répétitives (c’est un plus, ici), et cette quiétude momentanée est apaisante entre les tempêtes.

Bref, des chansons denses comme de sombres forêts boréales, où les longues traces de sang s’impriment dans la neige, côte à côte avec nos pas… Une traversée ésotérique où on ne s’ennuie guère.