Critiques

Operators

Radiant Dawn

  • Last Gang Records
  • 2019
  • 42 minutes
7,5

Récemment, on fêtait les 50 ans de la mission sur la Lune, événement marquant de la course spatiale, mais aussi vestige de la guerre froide entre les États-Unis et l’U.R.S.S. qui allait culminer avec la crainte d’un conflit atomique dans les années 80. Sur son second album Radiant Dawn, lancé en mai, le trio Operators ré-imagine la paranoïa associée à cette époque, mais dans un enrobage synthpop dansant.

Formé en 2014, Operators est l’un des nombreux projets musicaux de l’hyperactif Dan Boeckner (Wolf Parade, Handsome Furs, Divine Fits), ici accompagné du batteur Sam Brown et de la claviériste Devojka. Leur premier album Blue Wave, paru il y a trois ans, proposait déjà une certaine vision contre-utopique du futur sur des claviers intersidéraux et des rythmes électro-rock. La démarche demeure similaire sur Radiant Dawn, mais on sent que le trio a voulu offrir un tout plus cohésif, où tous les titres  sont reliés par un fil conducteur à la manière d’un album concept.

Le magazine Stereogum a décrit Radiant Dawn comme « de la musique pour club de nuit sur une colonie lunaire ». C’est juste, mais si on est dans un univers futuriste où les humains ont dû coloniser la Lune, c’est sans doute parce qu’ils ont épuisé toutes les ressources de la Terre et l’ont rendue inhabitable. Et c’est cette partie de l’histoire qui intéresse avant tout Operators. Autrement dit, oui, c’est de la musique de party, mais un party où on danserait pour oublier la fin de notre monde.

L’album s’ouvre de brillante façon avec la très réussie Days, qui installe le type de sonorités qui nous attendent au fil de ces 14 nouveaux titres. Les synthétiseurs sont tout juste assez inquiétants pour évoquer certaines trames sonores de films d’horreur des années 80 à la John Carpenter, alors que la rythmique, elle, se veut résolument dansante. Boeckner donne ensuite le ton avec un texte sombre qui évoque une catastrophe imminente, mais sans en préciser la nature exacte : 

« Staring down the void

At the bottom of the glass

In the flood-lit parking lot

I woke up in the woods

Far beyond the city streets

I was singing days go by ».

Days

Le contraste est encore plus frappant sur I Feel Emotion, dont la pulsation donne le goût de se déhancher comme Jennifer Beals dans la scène d’aérobie de Flashdance. Mais les paroles, elles, suggèrent une société d’automates, et ce désir de voir la mer tout emporter, comme un drôle de croisement entre 1984 de George Orwell et le film-catastrophe The Day after Tomorrow de Roland Emmerich : 

« We are prisoners here, in our own way

How can you live under impossible weights?

I wanna watch the sea rise

I wanna watch the flood come, and wash it all away ».

I Feel Emotion

Parmi les autres moments forts, il faut noter l’extrait Faithless, probablement la plus franchement pop de l’ensemble, mais avec un petit côté psychédélique dans les envolées de synthés. Ma préférée reste sans doute la très-New Order, Terminal Beach, qui alterne entre couplets introspectifs et refrains puissants. L’album se conclut sur l’excellente Low Life (comme le titre d’un album de New Order, d’ailleurs), portée par un riff de basse efficace signé Tim Kingsbury (Arcade Fire).

Sur les 14 titres, cinq sont plutôt des interludes instrumentaux qui renforcent le côté « science-fiction » mais qui permettent aussi d’atténuer une certaine redondance qui peut s’installer en deuxième partie d’album. Mais Radiant Dawn reste un disque fort réussi, retenu sur la plus récente longue liste du Prix Polaris, et qui pourrait bien vous donner le goût de relire vos romans d’anticipation préférés comme Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley ou Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.

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