Preoccupations avait commencé à s’éloigner de sa formule habituelle en introduisant une touche d’urgence dans sa proposition, ce qui la rapprochait de l’expérience vécue en concert par les fans. Sur Ill at Ease, on peut dire que ce virage est terminé et que la formation ose même incorporer un peu de pop dans sa démarche. Je dis cela, car les Preoccupations puisent en grande partie leur inspiration dans la new wave, notamment chez Joy Division. Mais, sur Ill at Ease, il y a plusieurs moments où on a envie de danser, ce qui est assez inattendu, mais dans le bon sens du terme.

The diagnosis is
I’m doing my best
To forget everything that I know
But I can’t shake the shame of mistakes that I made
It must of happened here a thousand years ago
— Focus

Le premier simple de l’album, Focus , est peut-être le meilleur exemple de son rythme inarrêtable qui nous emporte efficacement dans son souffle. Le refrain est particulièrement efficace. On danse, mais avec une bonne dose de réflexion sur les regrets. Ça peut facilement s’appliquer à des regrets banals de la vie de tous les jours, tout comme les regrets collectifs issus de diverses iniquités, comme la conquête de l’Amérique. Il y a dans la pièce à la fois un sentiment de béatitude issu du déni et un profond sentiment d’incapacité à se mettre des lunettes roses.

Ce n’est pas le seul endroit où le groupe se fait particulièrement accessible. C’est le cas pour l’excellente Andromeda qui, une fois de plus, offre de bonnes salves de guitares et un rythme contagieux. Dans un élan un peu plus déposé, Krem 2 offre aussi des moments de mélodies vocales surprenantes pour Preoccupations.

Il y a tout de même encore un peu de moments plus aériens sur Ill at Ease, notamment la chanson-titre, l’une des pièces les plus convaincantes de la galette qui est elle-même très convaincante. On y retrouve des claviers efficaces et de belles textures de guitares. Sur le tout, Matt Flegel démontre encore qu’il est plus en maîtrise que jamais de ses mélodies vocales. C’est vraiment un des points forts de l’album.

Il n’y a pas de mauvaises pièces sur Ill at Ease. C’est même peut-être l’album de la formation le plus convaincant depuis Viet Cong. Et vraiment, les autres étaient tous très appréciables. Preoccupations continue de trouver une pertinence et d’évoluer avec grâce. Sans complètement changer son identité, le groupe explore de nouveaux territoires avec audace et application.