Critiques

Pinegrove

11:11

  • Rough Trade
  • 2022
  • 40 minutes
6

Avec son style musical oscillant entre l’indie rock, l’emo et l’americana, la formation Pinegrove s’est bâtie une solide réputation avec ses deux premiers albums, parus en 2012 et 2016. Nous arrivant deux ans après le tiède Marigold, le cinquième album du groupe, 11:11, tente de recréer la magie des débuts en optant pour une facture un peu moins lisse, volontairement « brouillonne », avec des résultats mitigés.

Pinegrove a abondamment été comparé dans le passé à des noms comme American Football, Built to Spill, The Antlers et Death Cab for Cutie. Ça tient bien sûr au son du groupe originaire du New Jersey, qui aurait été parfaitement à sa place dans la scène indie de la fin des années 90 et du début des années 2000, mais aussi à la voix d’Evan Stephens Hall, avec son ton un peu plaintif et proche de la confidence.

Ce n’est d’ailleurs probablement pas un hasard si Pinegrove a confié le mixage de ce cinquième album à Chris Walla, ancien membre de Death Cab for Cutie. Il en résulte un son très bedroom rock, avec cette impression d’écouter le groupe jouer dans une salle intime, avec la voix captée très près du micro. Pour Hall et ses acolytes, c’est un peu un retour à l’approche qui avait fait d’un album comme Cardinal une des belles surprises de 2016, avant que la bande ne passe chez Rough Trade et opte pour une facture sonore un peu plus léchée, mais avec moins de pouvoir émotif.

11:11 s’ouvre avec la longue Habitat, d’une durée de sept minutes, qui annonce bien les couleurs de ce nouveau disque. Après une introduction en douceur, l’intensité grimpe d’un cran à l’arrivée du refrain, et on se laisse emporter par la mélodie. Puis, à mi-chemin, une coupure s’effectue et on se retrouve soudain en territoire folk pour une longue conclusion. L’effet est étrange, mais pas inintéressant, et on se surprend à se demander s’il s’agit en fait de deux chansons, non pas d’une seule.

Tout le reste de l’album joue sur le même terrain, avec un parti pris pour les ballades réconfortantes. Quelques morceaux sortent du lot, comme la jolie Respirate ou encore la très réussie Let. L’ambiance est tout à fait en phase avec ce que le groupe avait annoncé avant la sortie, disant vouloir faire un album qui célébrerait « l’optimisme, la communauté, réaffirmant notre devoir humain de veiller les uns sur les autres ». Des thèmes très nobles, mais qui se traduisent ici en des ambiances un peu répétitives. Il y a bien sûr quelques exceptions notables, en particulier la rythmée Alaska, qui aborde l’enjeu climatique sur un riff rappelant Ready to Start d’Arcade Fire.

Même s’il demeure peu connu chez nous, Pinegrove a eu une histoire pour le moins compliquée. Dans ses premières années, la formation du New Jersey  a développé une sorte de culte autour d’elle, certains fans (surnommés les « Pinenuts ») allant même jusqu’à se faire tatouer un logo en référence au groupe. Puis, en 2017, Evan Stephens Hall a lui-même révélé sur les médias sociaux avoir été accusé de coercition sexuelle par une ancienne compagne et le groupe s’est retiré de l’espace public pendant un an, retardant la sortie de son album Skylight, qui était alors presque prêt.

Il m’est difficile d’écouter du Pinegrove en faisant abstraction de cette histoire. Hall a suivi une thérapie et a entrepris une démarche de médiation avec la victime, et je n’ai pas de raison de douter de la sincérité de ses efforts. Mais même en s’en tenant uniquement à la musique, on ressort de l’écoute de ce nouvel album avec une vague impression de déjà-vu. C’est bien exécuté, mais le charme n’opère plus autant, malgré la tentative de renouer avec un son plus « authentique ». Dommage.

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