Phosphorescent
C’est la vie
- Dead Oceans Records
- 2018
- 46 minutes
Matthew Houck, alias Phosphorescent, est un créateur qui prend son temps. La parution du magnifique Muchacho remonte à plus de 5 ans déjà. L’auteur-compositeur (et arrangeur hors pair) nous avait alors présenté un album folk-country enrobé d’arrangements électros assez inventifs. Voilà un des rares artistes classés « americana » à avoir donné un second souffle à un genre souvent campé, par la force des choses, dans un certain traditionalisme.
En 2015, Houck nous avait proposé un excellent album live (Live at the Music Hall) sur lequel on peut entendre un véritable chef-d’œuvre : la version esseulée de Wolves (parue sur l’album Pride en 2007); une performance émouvante durant laquelle Houck superpose une panoplie de couches vocales qui se concluent en une finale aussi cathartique que chaotique.
Phosphorescent présentait récemment son 7e album. Intitulé simplement C’est la vie, cette production nous fait entendre un artiste serein et apaisé, pleinement en contrôle de son art. Au cours des 5 dernières années, Houck a stoppé net les abus d’alcool, s’est marié, est maintenant père de deux enfants… et a bien failli y passer en contractant une méningite virale.
Si Muchacho mettait de l’avant le foisonnement créatif de Houck, cette fois-ci, l’arrangeur s’est assagi laissant respirer un peu plus ses chansons. Encore une fois, on est en territoire rock, folk et electronica, mais ces trois genres ne font plus qu’un, amenuisant ainsi la folie orchestrale de Phosphorescent. Aux premières écoutes, C’est la vie est moins déstabilisant et étonnant que Muchacho, mais au fil des auditions, la subtilité des arrangements se révèle, confirmant de nouveau l’immense talent qui habite Houck.
Côté texte, le parolier fait des constats lucides sur sa vie antérieure, appréciant pleinement la stabilité émotive que lui procure son existence actuelle. La chanson These Rocks exprime parfaitement la nouvelle quiétude qui habite Houck, celle-ci empreinte d’une certaine lassitude par rapport à son ancienne vie :
« These rocks, they are heavy
Been carrying them all my days »
-These Rocks
Parmi les meilleurs moments de ce disque mature ? Black Moon / Silver Waves et Black Waves / Silver Moon sont superbes et évoquent les grands espaces, comme Calexico peut parfois si bien le faire. Around The Horn est le parfait mélange entre le classicisme léché d’une formation comme The War on Drugs et le petit penchant « bruitiste » de Wilco. Christmas Down Under est une frémissante chanson pop aux accents quasi gospel; gros coup de chapeau de cow-boy au solo de guitare à la mi-parcours, et New Birth in New England explore un univers festif à la Paul Simon.
Même si on préfère Phosphorescent en mode foisonnant, C’est la vie est, pour une énième fois, la preuve que Matthew Houck un compositeur et un arrangeur mésestimé, qui mériterait un rayonnement plus accentué.