Critiques

Pearl Jam

Gigaton

  • Republic Records
  • 2020
  • 57 minutes
5

Pearl Jam a atteint son apogée créatif avec l’excellent Vitalogy paru en… 1994 ! Depuis ce temps, on assiste au lent déclin d’une formation surestimée. Mené par un chanteur charismatique qui a longtemps camouflé les carences compositionnelles de ses pairs, le quintette originaire de Seattle n’a jamais su écrire de bonnes chansons avec constance.

Les récentes parutions du groupe ont accentué ce problème. Le dernier album de la bande à Eddie Vedder (Lightning Bolt) remonte déjà à 2013; une production lisse et peu inspirée qui alternait comme toujours entre le pop-rock radiophonique, les ballades « à briquets » et des chansons plus abrasives qui remémoraient faiblement les influences plus punks de la formation.

Voilà que Pearl Jam récidive avec un nouvel album intitulé Gigaton. Réalisé par Josh Evans (Soundgarden, Gary Clark Jr.), le groupe s’est réuni en studio pour quelques séances d’improvisations qui ont servi d’assises aux nouvelles chansons. Une méthode de travail un peu risqué pour un groupe en panne d’inspiration.

Comme d’habitude, ça démarre avec quatre chansons qui brassent la cage convenablement. Who Ever Said et Superblood Wolfmoon sont du Pearl Jam pur jus; de bons riffs, une interprétation sentie de Vedder, une livraison générale honnête. Et c’est tout ce qu’on demande à Pearl Jam. Même l’extrait Dance Of The Clairvoyants – une sorte d’électro-rock aux ascendants post-punk  –  est somme toute réussi. On se prend même à rêver de l’impossible !

Hélas, ça se gâte sérieusement par la suite. Le groupe s’enfonce dans un rock à tempo moyen, parfois bourré de claviers inutiles (Seven O’Clock), et nous propose, pour une énième fois, des chansons sans reliefs. Buckle Up, Comes Them Goes (l’habituel morceau acoustique de Vedder), Retrograde et River Cross sont tous des pièces mal foutues. Seules Never Destination et Take The Long Way relèvent le niveau, mais ce n’est qu’une manière de voir le verre à moitié plein. Objectivement, il n’y a que quatre chansons potables sur ce nouveau disque.

Toutefois, l’immense considération que nous avons pour Eddie Vedder demeure intacte. On respecte la hargne revendicatrice, la capacité de se mettre dans la peau de l’Américain moyen (merci à Bruce Springsteen !) et l’intégrité idéologique (merci à Michael Stipe !) qui a toujours habité Vedder; du carburant créatif fort louable. Cela dit, le groupe n’est plus en mesure de livrer la marchandise, musicalement parlant.

Pearl Jam est à la croisée des chemins. Soit que le groupe accepte son déficit créatif en tournant de temps à autre afin de garder le lien si fort qui unit le groupe à ses admirateurs. Soit il persiste à produire des albums en demi-teintes, sapant ainsi le peu de crédibilité musicale qu’il lui reste.

La croisée des chemins, ça nous dit tous quelque chose, n’est-ce pas ?