Critiques

Patrice Michaud

Grand voyage désorganisé

  • Maison Fauve
  • 2021
  • 43 minutes
7,5

Patrice Michaud, c’est le gars gentil qu’on veut avoir comme ami. Un gars sensible, mais qui est capable de changer la roue du char quand elle pogne une crevaison sur le bord de la route en chemin pour la Gaspésie. C’est le gars qui se plaît dans les feux de la ville, mais qui vient d’une place où le rythme de la mer est maître. C’est le gars qui anime Star Académie, mais qui ne se plie pas non plus totalement à la recette pop et qui est fan d’Iron Maiden. Avec ses deux derniers albums, il a prouvé qu’il était un auteur-compositeur-interprète de talent et il a récolté le succès mérité. Est-ce que ça se poursuit sur Grand voyage désorganisé?

Ce nouvel album de Patrice Michaud est à l’image du gars. C’est un album où la plume sensible du Gaspésien reste collée au quotidien du gars de shop tout en laissant les émotions parler:

Quand tu passes m’embrasser
devant tous les gars de la shop,
juste le goût d’aller m’en vanter.
Heureux comme un chien dans
une boîte de pick-up

1977

La dernière partie de ce passage est en fait une phrase prononcée par Dédé Fortin alors qu’il était « en voyage dans un moment heureux de sa vie. » N’en demeure pas moins que Michaud trouve le moyen de tisser le tout ensemble pour en faire une image claire et limpide. Cette plume efficace et habile est à son meilleur sur Golden Record ou encore sur Un cœur de baleine bleue. 

Sur la dernière chanson, c’est aussi un des moments où Patrice Michaud se permet de belles aventures sonores. Quand la musique change et se transforme en funk rock où les chœurs prennent un peu de place, c’est convaincant. On a l’impression d’aller faire un tour dans le rock des années 60 et 70 avec une petite touche d’Offenbach. Le summum musical se trouve quand même sur la magnifique Un point bleu pâle alors que Rosalie Ayotte et Shayan Heidari le rejoignent pour chanter. Le seul hic : pourquoi le spoken-word? T’as la plus belle trame musicale de l’album, des chœurs qui donnent envie de fendre en deux tellement c’est beau pis là… pas la belle voix de Michaud irrésistible… non, une version allégée de spoken word fait sur du 4/4. La toune n’est pas gâchée, mais oh mon dieu que le potentiel n’a pas été atteint. Parce que c’est beau pour le reste. Et les paroles sont magnifiques. Tout est parfait… sauf la voix de Michaud qui est son point fort!

Musicalement, c’est parfois très réussi, et parfois ça tombe dans le trop poli. Comme dans polir avec un papier sablé. C’est un peu trop propre et ça fait perdre de la magie au rock. Comme La grande évasion qui possède de très belles orchestrations et même quelques petits effets funky, mais qui reste aussi très standardisée. Par contre, dans les bons coups, Patrice Michaud réussi à s’en sortir avec une balade rock intitulé Je t’aime quand je mens. Une pièce avec un solide texte, une mélodie impeccable et une trame tout aussi délicieuse.

Je suis un gars plutôt normal,
classé général.
Au fond de moi,
c’est élégant, c’est épatant
Oh yeah…
comme un ouragan
qui porterait mon nom

Golden Record

Le principal talent de Patrice Michaud est de nous donner l’illusion que tout est facile et que ça se fait tout seul, alors que pour arriver à ce niveau de qualité pour un album, c’est du travail. Par contre, dans la recherche de la perfection, il y a des coups de papier sablé en trop qui font disparaître les imperfections qui cachent un peu trop l’authenticité. Qu’à cela ne tienne, Patrice Michaud est l’un des meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes du Québec et il le prouve avec ce Grand voyage désorganisé.

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