Paruline
À ceux qui veillent
- Indépendant
- 2025
- 44 minutes
Après une brève recherche, je n’ai trouvé aucune source fiable qui suggérait que « l’indie trad » était un genre musical officiel. J’estime (en toute humilité) que le premier album de Paruline constitue une occasion parfaite pour officialiser cette nouvelle terminologie. Le fait de brosser un portrait sommaire de Charles Labrèche, l’homme derrière le projet, aidera sans doute à comprendre sa signature musicale unique.
Originaire de Drummondville, le pianiste de formation, gigueur et multi-instrumentiste a participé à plusieurs événements de la scène trad québécoise. Il a aussi été musicien pour le Village Québécois d’Antan. Par ailleurs, son adolescence a été bercée notamment par Alt-J et Fleet Foxes, des groupes actuels associés à la scène indépendante. Alors qu’il « gossait des accords » sur une mandoline octave durant la pandémie, il a jeté les bases de son univers en fusionnant ses influences anciennes et modernes.
Les histoires racontées à travers les 11 pièces de l’album sont très fidèles aux codes du folklore québécois. On y retrouve souvent les personnages de « la belle » et du « galant » qui sont au cœur d’histoires d’amour ayant comme toile de fond notre territoire et nos paysages. Inspirée de la légende Les hommes pas de tête, la première chanson de l’œuvre, Théophile, est annonciatrice des thèmes abordés par la suite.
Elle cueillait des œufs d’oiseaux de mer
Soudain une femme sans tête l’entraîna
Dans les bas-fonds du Golfe
Les rudesses des chantiers de la Côte-Nord
Me font rencontrer les morts–Théophile
L’auteur-compositeur-interprète a affirmé qu’il se reconnaissait dans le narratif de ses textes. Si on se fie à la sincérité de son interprétation et de sa musique, nous n’avons pas de difficulté à le croire.
Parlons-en de la musique. Si vous vous attendez à une trame sonore évoquant les sets carrés et les partys de Jours de l’An où l’on est gavé au pain sandwich et au ragoût de pattes, vous serez rapidement confondus. Même les reels, grâce aux chœurs qui y sont intégrés, sont enveloppants. Pour constater ce résultat très intéressant, je vous invite à écouter Marion et Reel Em.
Fait rare pour un premier long jeu, Charles Labrèche a lui-même coréalisé l’album, en partenariat avec Thierry Clouette. Avec leurs acolytes (Colin Savoie-Levac, Olivier Cousineau, Karolan Boily, Aurélie Gagnon et Sara Danielle), ils ont laissé libre cours à leur exploration musicale, ce qui apporte son lot de surprises. Si Sirène se démarque avec sa structure progressive, Dans mon verre rayonne grâce à son instrumentation singulière qui mélange nostalgie et modernité.
La chanson qui représente le mieux l’ensemble du projet est sans doute l’excellente Immobile. Si elle commence sous le signe du folk mystérieux, elle bifurque brusquement vers le rock, animée par la guitare électrique et des percussions endiablées. Puis, un solo de bouzouki irlandais s’ajoute de façon inattendue pour pimenter le tout.
Ce n’est pas la première fois que la musique traditionnelle québécoise est réinventée. Garolou et Mes Aïeux, rappelons-le, avaient déjà tenté l’expérience. Toutefois, ce que propose Paruline est audacieux, et différent de ce qui a été fait auparavant. Bravo à Charles Labrèche qui a su rester fidèle à son idée originale et innovatrice.