Critiques

Pantha du Prince

Conference of Trees

  • Modern Recordings
  • 2020
  • 74 minutes
7

Regarder une entrevue récente de Pantha du Prince, de son vrai nom Hendrik Weber, est une expérience méditative. Le regard et la voix placides, les cheveux et la barbe en friche, le musicien allemand dégage une énergie rassérénante, quasi mystique.

Son sixième album studio, Conference of Trees, est infusé d’une telle énergie. Au fil de cette œuvre-concept, Pantha du Prince propose une immersion dans la forêt, une exploration de la vie végétale qui y grouille. La prémisse est explicitée par le titre : l’artiste à l’allure d’ermite s’est demandé comment communiquaient les arbres et les autres organismes vivants de la forêt. Et le résultat est inspiré, même si l’idée s’essouffle un peu au long des soixante-quatorze minutes de l’album.

Ce qui donne une couleur singulière à Conference of Trees, c’est l’éventail somptueux et original d’instruments acoustiques. Pour évoquer la forêt, Weber a choisi – et même conçu – plusieurs instruments en bois et en pierre. Cordes, vibraphones, marimbas et autres carillons tubulaires foisonnent, se superposent, se répondent et donnent vraiment l’impression d’organismes en symbiose. La cohésion entre les instruments est impressionnante : elle fait naître un véritable écosystème musical qui rend justice au concept de l’album. La touche délicate des interprètes et le détail des sons émis font fourmiller la vie dans cette forêt imaginée.

Au-delà de sa division en dix pièces, Conference of Trees doit être abordé comme une composition entière. Le premier « mouvement », formé grossièrement des quatre premières pièces, est le plus évocateur de l’oeuvre. Au carrefour de l’ambiant et du minimalisme contemporain, des morceaux comme Holding the Oak et Transparent Tickle Shining Glace regorgent d’une panoplie de détails rappelant tantôt des gouttelettes tombant sur les feuilles, tantôt un rayon de soleil perçant la cime des arbres. Vers la moitié de l’album, des pièces mouvementées au côté techno affirmé prennent le pas. L’avant-dernière pièce de l’album, la lumineuse Pius in Tacet, entame un retour au calme. Le tout est bouclé par Lichtung qui renoue fidèlement avec l’ambiance du premier morceau Approach in a Breeze.

Comme en témoignent les morceaux technos à la mi-parcours, Pantha du Prince essaie parfois tant bien que mal d’amalgamer sons organiques et synthétiques. Certes, des ajouts électroniques ici et là auraient pu agrémenter l’atmosphère inaugurée par les premiers morceaux sans la dénaturer. Mais on est en droit de se demander en quoi les pulsations métronomiques de Roots Making Family évoquent la forêt.

Il en va de même pour les morceaux suivants, dont le rythme carré et les textures synthétiques étouffent les instruments organiques. Dans ce cadre relativement rigide, la magie entre les instruments opère moins que dans l’ouverture atmosphérique des premiers morceaux. Pantha du Prince aurait peut-être eu avantage à pousser ses explorations ambiantes, ou à laisser quelques pièces de côté et à écourter l’album par le fait même.

Malgré quelques passages plus banals, Conference of Trees regorge de moments stimulants où la vie semble vraiment prendre forme dans la musique. À l’écouter avec la patience et l’attention requises, on s’ouvre à une expérience immersive rafraîchissante.

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