Critiques

Pantayo

Pantayo

  • Telephone Explosion
  • 2020
  • 28 minutes
8
Le meilleur de lca

Elles décrivent leur musique comme du « lo-fi R&B gong punk » et ont déjà en poche une sélection sur la courte liste du prix Polaris. Paru au printemps, le premier album du quintette féminin Pantayo a reçu un accueil dithyrambique de la presse torontoise, mais n’a pas fait beaucoup de bruit chez nous. Voilà pourtant un projet inventif qui mélange les genres avec aisance pour un résultat des plus rafraîchissants.

La présentation de la courte liste du prix Polaris a certes fait grincer un peu des dents le mois dernier en raison de l’absence de candidat francophone cette année. Cela dit, la présence de Pantayo sur la sélection finale ne m’a aucunement surpris, et j’y vois un des prétendants sérieux au titre cette année. En attendant le dévoilement du grand gagnant en octobre, l’occasion est bonne pour discuter de ce disque aux nombreuses facettes, qui combine la synthpop et la musique traditionnelle philippine.

Les filles de Pantayo roulent leur bosse depuis 2013 au sein de la scène torontoise, et ont donc eu tout le loisir d’expérimenter et de développer un son qui leur ressemble, sans avoir à composer avec la pression de sortir un album complet. C’est peut-être justement un des facteurs qui expliquent pourquoi ce premier disque semble aussi abouti, malgré sa courte durée, étant donné tout le bagage que la bande traîne déjà derrière elle et qui lui a permis de gagner en confiance ou en assurance.

À la base du son de Pantayo se trouve le kulintang, un type de percussion originaire de l’Asie du Sud-Est, et revêtant une importance toute particulière pour les cultures autochtones des Philippines, de l’Indonésie et de la Malaisie, entre autres. Fait de pots de métal disposés sur une longue structure de bois, le kulintang ressemble un peu à un xylophone géant, avec une sonorité qui s’apparente à celle du gamelan.

La réussite de Pantayo est d’utiliser le kulintang non pas comme une fin en soi, mais comme un outil à partir duquel sont construites des structures foncièrement pop, avec une large place pour les sonorités électroniques. Au fil de ses huit chansons, l’album passe d’un style à l’autre d’une façon qui aurait pu apparaître un peu forcée, mais qui garde une belle cohérence grâce à la présence continue du kulintang.

Les morceaux les plus excitants sont ceux qui font le pont entre une pop moderne et sophistiquée et le côté oriental évoqué par les percussions. Ainsi, la chanson Heto Na est un mélange de disco des années 70 et de musique traditionnelle philippine, portée par une pulsation irrésistible, tandis que l’énergique Taranta évoque en même temps le rap, le punk et le R&B. La plus réussie est sans doute V V V (They Lie), au tempo plus modéré, mais avec un refrain addictif répété comme un mantra.

Réalisé par alaska B, du collectif canadien Yamantaka // Sonic Titan, l’album reste étonnamment cohésif, malgré cette vaste gamme d’influences. Seule la ballade Divine s’insère un peu moins bien dans le lot, elle qui relègue les percussions en arrière-plan au profit d’une approche soul un peu sirupeuse. Mais c’est là un bien petit faux pas sur un disque rempli de trouvailles sonores et de textes porteurs qui remettent en question les normes patriarcales et hétéronormatives de notre monde.

Sans parler d’une œuvre qui « révolutionne le monde des percussions philippines », comme l’a titré le magazine Exclaim, ce premier album de Pantayo propose en effet une pop inventive, qui n’hésite pas à sortir du cadre et à embrasser d’autres coutumes. Le résultat est concluant, à la fois éminemment contemporain et pourtant ancré dans toutes sortes de traditions, et va bien au-delà de l’effet de curiosité…

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