Critiques

Off!

Free LSD

  • Fat Possum
  • 2022
  • 38 minutes
8,5
Le meilleur de lca

C’est un premier long format en huit ans pour la formation punk hardcore menée par le vétéran gueulard Keith Morris et le guitariste Dimitri Coats. Il y a bien eu la tonitruante reprise de Holier Than Thou pour assouvir les fans de OFF!, — pièce parue l’année dernière sur l’album hommage à Metallica, The Metallica Blacklist —, mais ce n’est rien pour surpasser la production d’un long format en bonne due forme, surtout après un aussi long hiatus.

Voilà, Free LSD. Ce titre met bien sûr de l’avant les vertus réparatrices de cette drogue mise au ban par l’establishment politique états-unien au début des années 70. Plus subtilement, Morris souhaite métaphoriquement la dépénalisation de cette drogue afin de « tranquilliser » certains concitoyens droitistes et ainsi éviter que son pays sombre dans une sanglante guerre civile.

Pour ce troisième album officiel, Morris et Coats ont clairement voulu relancer le quatuor sur de nouvelles bases. Donc, exit les excellents Mario Rubalcaba (Rocket From the Crypts, Hot Snakes) et Steven Shane MacDonald (Redd Kross) qui sont remplacés par deux virtuoses : le bassiste Autry Fulbright II (Trail of Dead) et ce batteur de feu qu’est Justin Brown (Thundercat, Flying Lotus, Herbie Hancock). Dès la sortie du premier extrait titré War Above Los Angeles, on a senti que Off! modifiait sensiblement son modus operandi créatif.

En fait, Free LSD est la trame sonore d’un film de science-fiction conçu et réalisé par Dimitri Coats. La production met en vedette une panoplie de musiciens-doyens issus de la scène punk hardcore états-unienne, de David Yow (The Jesus Lizard) et DH Peligro (Dead Kennedys) à Dan Bolles (The Germs), en passant par l’acolyte de Morris chez Circle Jerks, Zander Schloss, entre autres.

Le processus de création de cette bande sonore / œuvre cinématographique a poussé les deux musiciens dans leurs limites créatives tant ils ont dû puiser au fond d’eux-mêmes pour en arriver à ce résultat. En entrevue avec le magazine SPIN, Coats déclarait ceci au sujet de cette exigeante aventure : “Keith and I have struggled for years now to get this particular project off the ground. It’s been exhausting and also extremely rewarding. There’s something to be said for going out strong and going out with our chins high up in the air. I’d be very proud if this was our final bow.”

Divisé en quatre parties réunissant chacune quatre chansons et quatre intermèdes bruitistes intitulés respectivement F, L, S, et D, ce disque est sans contredit le meilleur album en carrière de OFF! Si le groupe se cantonnait auparavant dans un punk hardcore assez traditionaliste, cette fois-ci, Coats, Morris, Fulbright II et Brown nous présentent une collision frontale entre le free jazz, la musique expérimentale et le punk hardcore pur jus.

Chacune des chansons se conclut dans un accord traînant suivi d’une courte transition expérimentale qui met la table à la pièce suivante, comme si cette création avait été élaborée pour être jouée exactement dans cet ordre en concert. La performance d’exception de Justin Brown vient crédibiliser les inventifs riffs de Coats et, comme toujours, Morris déclame ses textes comme si sa vie en dépendait.

Free LSD s’écoute du début à la fin, sans pause, le volume dans le tapis. Certains morceaux sont de jouissifs « bangers ». Le riff principal dans Time Will Come arrache tout sur son passage. Ignored est animé par un motif de guitare que n’aurait pas renié une formation comme Dead Kennedys. Le hurlement de Morris en amorce de Muddy The Waters vous donnera envie de vous arracher les cheveux et le riff d’introduction dans Black Widow Group est un véritable pourvoyeur de frissons… et c’est comme ça pendant un bon 38 minutes qui ne laisse aucun répit à l’auditeur.

Free LSD fera sa marque, à sa façon, dans l’histoire du rock. Un disque chargé à bloc qui nous parle certes de racisme, de bigoterie, de révolution, de violence armée, d’avarice, mais aussi de solidarité et de détermination face à l’ennemi fasciste qui se dresse subtilement devant nous… car ne craignons pas les mots, cette vague d’extrême droite qui prend le pouvoir dans plusieurs pays démocratiques ne présage absolument rien de bon.

Et OFF! nous le rappelle avec une œuvre coup de poing qui fera assurément époque!

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