
Odezenne
DOULA (des couloirs des portières)
- Universeul
- 2025
- 33 minutes
Odezenne est de retour. Après avoir convaincu pas mal tout le monde avec leur album 1200 mètres en tout, en 2022, la formation défend cette fois le disque DOULA (des couloirs des portières). Alors, quelles directions ont pris Alix, Jacques et Mattia? Chose certaine, c’est que l’on retrouve la même intimité et poésie charmante qu’à l’habitude et un désir d’exploration des genres bien marqué, toutefois ponctué par un spleen un brin trop redondant.
On ne tombe pas des nues à la première écoute de ce nouveau disque. La formation nous réinvite dans un univers similaire qu’avec son album bleu. Les pistes qui ouvrent DOULA nous plongent dans l’univers mélancolique, nuancé et intense du groupe. C’est le cas, d’entrée de jeu, avec la prenante Keskia qui présente une jolie poésie racontant des moments ludiques du quotidien sur la production progressive érigée par Mattia Lucchini. Les voix modifiées d’Alix Caillet et Jacques Cormary ajoutent une sorte de désarroi à cette première chanson. D’une certaine façon, Keskia refait le coup joué par Mr. Fétis, la première piste sur 1200 mètres en tout. Les deux, personnelles et touchantes, mettent la table habilement pour la suite.
« Keskia
Tu vas faire quoi avec mes rêves
Accroche-toi je marche ou crève
Approche un baiser de lèvres »
– Keskia
On vit d’autres moments forts sur les morceaux Houston, Hey Joe et Aïe aïe aïe, trois singles, parus en amont, qui insufflent du rythme à cet album qui en perd malheureusement en seconde mi-temps.
Houston nous balance une production aux sonorités rap et cold wave entrainante, un terrain de jeu sur lequel Alix et Jaco s’amusent et se délient la langue lors de couplet et de refrains à la fois drôles et nonchalants.
On s’amuse toujours sur la très italo-disco et rebondissante Hey Joe, un vrai ver d’oreille mélangeant à nouveau les styles et qui est doté d’une production sur laquelle Pino D’Angiò aurait pu faire des siennes. Ses couplets qui défilent rapidement nous entraînent tout droit vers une finale abrupte magnifiée par les harmonies frelatées des membres du groupe.
Puis Aïe aïe aïe, avec son instru douce, prend son temps et nous berce. C’est plutôt drôle d’y entendre les adlibs agressifs qui contrastent avec la délicatesse initiale du morceau. Encore une fois, des textes imagés et amusants nappent cet extrait. De Dragon Ball au ministre français de la Justice, Gérald Darmanin, tout y passe.
Puis, on entre dans la deuxième moitié de l’album, là où l’on se bute un peu à une certaine répétition dans les morceaux. Plus ternes et monotones, les chansons Merry-go-round, Gadoue et E.R.E ! ne sont pas mauvaises pour autant, mais on ne vit plus la même excitation. L’exploration laisse place au spleen. Les productions guillerettes et caractérielles de la première partie sont remplacées par des instrus légèrement plus fades. La poésie du groupe ne disparaît toutefois pas. Elle est seulement un peu moins marquante avec la direction musicale.
En contrepartie, Baveux et l’autre single, Templehof, offrent des moments plus forts. La première débute au son de la guitare électrique et se transforme en morceau house avec ses basses effrénées démontrant, encore, l’habileté du groupe à explorer et à joindre les styles. Les paroles intimes, par moments criées, s’y adonnent bien.
J’ai pris pour vingt ans, eh
Il lui pousse des dents
Les dents d’devant
Mon p’tit baveux, ouais
Il m’reste un vœu
– Baveux
Même s’il n’est pas parfait, DOULA (des couloirs des portières) fait le taffe. Ici, Odezenne nous invite à nouveau dans son univers poétique aux productions exploratrices boostées en synthés enjôleurs. Même si notre premier réflexe est de chercher une trame narrative dans ces textes, on se satisfait finalement de la beauté lyrique crue, drôle et touchante de ce groupe qui approche le statut de vétéran avec ses 20 ans de carrière.