Critiques

Model/Actriz

Dogsbody

  • 38 minutes
8
Le meilleur de lca

Dans nos sociétés, soit vous adhérez aux normes imposées par le capitalisme comportemental orienté par le marketing, la publicité, la télévision, l’internet, etc. ou soit vous choisissez de subvertir consciemment ces subtils outils propagandistes. Or, l’acte même de désobéissance est déjà prévisible pour les dirigeants et corporatistes à la tête de notre système. Les idées subversives font désormais équipe avec le capitalisme. Après les avoir bien observées et maîtrisées, ces contestations sont ensuite remodelées en tendances pour qu’elles deviennent acceptables au plus grand nombre. C’est ainsi que les révolutions, quelles qu’elles soient, se transforment toujours en marchandises monnayables…

En février dernier, le quatuor noise-rock-post-punk-industriel nommé Model/Actriz lançait un premier long format intitulé Dogsbody. Après avoir convaincu un nombre croissant de mélomanes avides de sonorités distordues, à grand renfort de concerts cathartiques, la formation originaire de Brooklyn, New York, présente un premier long format qui plaira aux fans de groupes comme Liars ou The Jesus Lizard, inévitable référence, s’il en est une.

La formation menée par le charismatique Cole Haden ajoute à son arsenal sonore des influences électro-rock parfois dansantes à la Nine Inch Nails. C’est notamment la voix sulfureuse et chevrotante de Haden qui accentue l’influence de la formation menée par Trent Reznor.

Si on ajoute à ce cocktail des thématiques liées à la sexualité déviante, à la marchandisation du corps et à la débauche épidémique, l’auteur de ces lignes ne vous incite probablement pas à prêter l’oreille à cet album. Or, la musique, elle, malgré ses dérapages en zones sinistrées, recèle quelques moments entraînants qui vous permettront de ne pas être totalement rebutés par ce Dogsbody.

Dans l’introductive Donkey Show, Haden déclame son texte avec une contenance inquiétante :

I’ll let him murder

Murder my dull mind

If it puts me in his eye

– Donkey Show

Dans la pièce qui suit, titrée Mosquito, il joue le rôle d’esclave sexuel dans ce qui a tout l’air d’une séance de bondage; une pratique érotique où l’un des partenaires est privé de sa liberté de mouvement :

Wearing cuffs with insignias gleaming

With a body count higher than a mosquito

– Mosquito

Parmi les autres moments impurs auxquels vous serez conviés, l’atmosphère crasseuse entendue dans Amaranth évoque la musique industrielle d’un bar miteux situé dans un coin peu recommandable d’une grande ville. Le diptyque constitué de Crossing Guard et Slate, deux pièces qui se chevauchent l’une dans l’autre avec fluidité, mélange habilement la musique électronique, le dance punk et le noise rock. La conclusive Sun In recèle un je-ne-sais-quoi du classique de Nine Inch Nails, Hurt; morceau conclusif et émouvant de l’album The Downward Spiral paru en 1994. Slate est une sorte d’électro-rock narcissique et on pense à Scott Walker à l’écoute de l’apaisé Divers.

Model/Actriz propose des chansons juste assez subversives pour être crédibles, en évitant d’être trop rebutantes. Dogsbody est un album qui rend le noise rock un peu plus digeste, tout en exacerbant les sentiments de honte, de douleur et de désir qui nous habite de temps à autre. Et le groupe en fait quelque chose de relativement « rassembleur ». Qui l’eût cru?

C’est ainsi que les révolutions, quelles qu’elles soient, se transforment toujours en marchandises monnayables…

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