MJ Lenderman
Boat Songs
- Dear Life
- 2022
- 34 minutes
Originaire de Asheville en Caroline du Nord, MJ Lenderman est le guitariste de la formation indie-rock Wednesday. En 2021, le grinçant véhicule conduit par l’autrice-compositrice Karly Hartzman avait lancé le fort potable Twin Plagues; album mésestimé qui avait quand même obtenu l’attention de plusieurs médias spécialisés.
Or, MJ Lenderman est également un auteur-compositeur-interprète qui a trois albums à son actif : MJ Lenderman (2019), Ghost Of Your Guitar Solo (2021) et Boat Songs (2022), long format qui a été révélé la semaine dernière et qui reçoit sa large part d’approbation. Fait à noter, l’auteur de ces lignes a été mis au parfum de la sortie de Boat Songs par l’une de nos fidèles lectrices que l’on remercie chaleureusement, car cette sortie est l’une des meilleures galettes de country rock entendues ces dernières années.
Sur Boat Songs, le doué compositeur nous plonge dans un univers musical fortement teinté par l’ascendant de Neil Young & Crazy Horse. Toutefois, l’artiste prend bien soin d’incorporer des influences aussi diverses que Wilco, Built to Spill, Drive-By-Truckers ainsi que celles du regretté Mark Linkous, alias Sparklehorse.
Boat Songs est une production délibérément relâchée et délabrée. Sans réinventer le country rock, Lenderman s’approprie tous les codes de ce genre musical, vétuste pour certains, mais en y intégrant juste assez de sincérité pour se distancier intelligemment des influences susmentionnées. Si l’écriture chansonnière du bonhomme était beaucoup trop flasque sur ses précédents efforts, cette fois-ci, il corrige le tir significativement. Et ce n’est pas étranger à la performance de son groupe-accompagnateur que l’artiste a affectueusement nommé « The Wind ». En ce qui nous concerne, « The Storm » aurait pu faire l’affaire tant la performance de cette formation est décoiffante.
Sans être un auteur transcendant, l’Américain nous séduit par son authenticité et par toutes ces références à la culture pop disséminées subtilement dans la vaste majorité des textes de l’album. Par exemple, il nous offre une chanson portant sur le manque de considération que les fans de la National Football League (NFL) ont toujours eu pour l’un des grands quarts-arrière de son histoire. Cette chanson, titrée tout simplement Dan Marino, voit Lenderman se mettre dans la peau de l’ancienne gloire de la NFL qui fait son épicerie de manière quasi anonyme, sans se faire importuner par qui que ce soit.
Dans cette superbe chevauchée encrassée par de puissantes guitares intitulée Tastes Just Like It Costs, Lenderman porte son regard sur un couple en déclin :
You know I’m so hardass
You know I couldn’t be less
But what did I tell you
About wearing that dumb hat
You know the one I’m talking about
-Tastes It Like It Costs
Dans TLC Cagematch, l’artiste pose un constat lucide sur tous ces rêves qui, à défaut de les réaliser, nous mettent au moins en marche dans une direction, même si cette orientation peut parfois nous égarer :
I always believed
Every time you said
We were gonna be heroes some day
Well, baby
All our heroes now are dead
‘Cuz all things go
That’s why we do what we gotta do
To get through
-TLC Cagematch
Parmi les autres moments électrifiés et émouvants de ce Boat Songs, on note la frémissante Toontown dont la structure et la suite d’accords ont de fortes ressemblances avec Hotel Arizona, une chanson-phare issue de l’album Being There (1996) de la formation Wilco. SUV aurait pu faire partie du Vivadixiesubmarinetransmissionplot de Sparklehorse tant la ressemblance avec l’approche chansonnière de Mark Linkous est forte, sans qu’elle soit outrageante. You Are Every Girl to Me est un clin d’œil réussi au Sonic Youth du mythique Daydream Nation (1988). Tout ce brassage sonore se conclut avec la superbe Six Flags. Encore une émouvante génuflexion à l’endroit du bon Linkous…
Boat Songs est une création solidement branchée sur les petites vies et les aléas du quotidien. Un vrai de vrai bon disque de country-rock.