MJ Lenderman fait face à beaucoup de pression. Le jeune musicien, également membre de la formation indie Wednesday, a attiré l’attention en 2022 avec son album solo Boat Songs, dont la musique indie americana décontractée a reçu de nombreux compliments. Maintenant âgé de 25 ans, il présente Manning Fireworks, son deuxième album solo lancé par une maison de disques. Malgré les attentes créées par Boat Songs, le tout nouveau Manning Fireworks est à la hauteur. En effet, le multi-instrumentiste de la Caroline du Nord ne manque pas d’idées et ne se contente pas de copier son album précédent pour assurer son succès. 

Depuis ses débuts, le style de MJ Lenderman se situe quelque part entre l’indie désinvolte à la Pavement et le country folk plus classique de Neil Young. Son parcours peut également s’apparenter à celui de Alex G, l’un de ses pairs qui réussit tout comme lui à être à la fois constant et efficace. Malgré toutes ces comparaisons, MJ Lenderman n’éprouve aucune difficulté à affirmer son identité : une combinaison gagnante de slacker rock et de rock americana exécutée de façon sincère et légère. 

Manning Fireworks constitue la suite logique de Boat Songs. Le nouvel album révèle une musique et des thèmes plus matures, tout en conservant les remarques pleines d’esprit. En plus des innombrables références culturelles (de Lightning McQueen à Guitar Hero, en passant par la situation capillaire de Travolta), l’album contient quelques tournures qui font sourire, comme sur la ballade Rip Torn (« Passed out in your lucky charms Lucky doesn’t mean much ») et l’excellent simple Joker Lips où une déclaration d’amour est prononcée à répétition : « You know I love my tv But all I really wanna see Is see you near me ». Il s’agit là de l’une de ses forces : aborder des sujets intimes en trouvant le moyen de plaisanter.

Au-delà de son humour, MJ Lenderman affiche un talent pour composer des paroles sérieuses, voire tristes, mises de l’avant par sa voix distincte, traînante et claire. Il réfléchit et observe les préoccupations du quotidien, puis transforme ses pensées en poésie simple et touchante. Le musicien enrobe sa musique mélancolique de sujets réalistes et accessibles, et de chutes surprenantes et amusantes. Il use notamment de répartie pour critiquer avec désillusion la crise de la quarantaine sur She’s Leaving You : « You can put your clothes back on, she’s leaving you No time to apologize for the things you do Go rent a Ferrari and sing the blues Believe that Clapton was the second coming ». 

MJ Lenderman démontre surtout un talent de composition de mélodies accrocheuses, intemporelles, mais jamais prétentieuses, où il amalgame régulièrement la guitare lap steel maussade et la guitare distortionnée énergique comme sur Wristwatch ou Rudolph. Il joue sur cet album presque tous les instruments, mais se démarque par ses solos de guitare omniprésents et impressionnants, tout particulièrement lors de la longue finale expérimentale, désordonnée et planante de Bark At The Moon. Tous ces talents réunis engendrent plusieurs classiques comme On My Knees, She’s Leaving You, Wristwatch ou Joker Lips.

Sur Manning Fireworks, l’objectif de MJ Lenderman est de délaisser l’aspect boute-en-train pour mettre de l’avant une approche plus mature et introspective. Même s’il navigue toujours habilement entre les deux pôles qui forment son charme, son évolution se constate et surprend agréablement. Non seulement MJ Lenderman prouve que l’engouement à son égard n’était pas éphémère, mais il renforce également son statut d’artiste digne d’intérêt.