Critiques

Millimetrik

Sun-Drenched

  • Coyote Records
  • 2021
  • 49 minutes
8
Le meilleur de lca

Millimetrik est le projet solo du compositeur, DJ et producteur de Québec Pascal Asselin, qui enchaîne les parutions de qualité depuis une vingtaine d’années en croisant intuitivement la musique ambiante, la house, le trap et le trip-hop. Du moins jusqu’à Fog Dreams (2016), un album qui a servi en quelque sorte de plateau duquel on pouvait apprécier le chemin parcouru, et ce malgré le brouillard. Heureusement l’ascension ne s’est pas arrêtée là, Asselin a renouvelé le moule sur Make It Last Forever (2019) en explorant les lignes de guitare électrique à saveur de western spaghetti, honorant Morricone au passage, et agrandissant son territoire sonore avec sa propre route (66?) qui disparaît à l’horizon. Millimetrik était de retour à la fin mai avec Sun-Drenched, un excellent dixième album qui fait le même effet qu’une bonne dose de vitamine D absorbée sur une terrasse mélangée avec la bonne humeur de se retrouver sur une piste de danse après le coucher du soleil.

Apoca-lips en El Desierto démarre la fête aux bongos, la basse électrique ajoute du mordant avant que la forme house baléare embarque complètement avec Liana à la voix. Le thème prend une teinte romantique au refrain et repart ensuite jusqu’à un pont à la flûte traversière et une trame de fond qui fait un petit clin d’œil à un certain duo français avec son « one more time ». Origine vs. futur poursuit sur le même motif rythmique, évoluant à la basse et guitare sur un thème disco festif. Celui-ci passe par une montée percussive pour aboutir dans la section dance guidée par un duo synthétiseur et guitare. Les accords échos de Sunlight At Bay Of Plenty mettent en place un hymne estival illuminé par la voix de Dominic Pelletier (avec Raphaël Potvin de New Bleach), qui chante avec des intonations qui font penser à nul autre que Freddie Mercury.

Danser avec l’ivresse continue la fête à partir d’un motif à quatre accords et un groove irrésistible sur lequel Benoît Pinette, alias Tire Le Coyote, chante à travers filtres et effets. La pièce prend une respiration au pont trap (!) durant lequel le chanteur folk oscille sur le beat, tout naturellement, avant de retourner à la boucle initiale, tel un ver d’oreille à la Got To Keep On. Les bongos sont de retour sur Pozé en compagnie d’une basse électrique et d’une boucle rythmique, trio éventuellement enveloppé dans une trame scintillante à cuivres numériques sur laquelle Valérie Clio se donne vocalement. Tropique du Capricorne apparaît au piano électrique comme un début de ciel étoilé, laissant les percussions dance, la basse funk et la guitare réverbérée créer une trame enveloppée par les derniers rayons de soleil de la journée.

Kyle Lowry’s Demolition Derby annonce le passage de la terrasse à la piste de danse sur un thème dance pop dominé par Little Miss Roy (alias Kathleen Roy), qui botte des culs avec sa personnalité vocale. Le tourbillon du reste enchaîne sur une première boucle d’échantillons rétro de voix et piano, passant ensuite en deuxième vitesse sur une boucle disco montée à la High Life, séquences ponctuées par un pont tribal avec une guitare post-punk. Les bongos rythment Le mirage / Utopia no 9 en duo avec les oscillateurs pour générer un délicieux mélange de funk et nu disco, décoré par des échantillons de voix réverbérée.  

Dominic Pelletier revient sur Salar de Uyuni en mode électro-pop francophone, planant au-dessus de la structure à travers un effet vocal légèrement saturé. La basse électrique funk de Fantasme Austral crée un groove accentué par la performance de Mel Lancet (Melvis and the Jive Cats), qui chante en bilingue telle une fille cosmique de Nanette Workman. L’enfant du feu I/II/III résonne à partir d’une séquence de carillon dissonant et d’une basse, duo qui se resserre par la suite avec la séquence rythmique. Le thème évolue en hymne italo disco comme une trame vaporeuse qui n’a pas envie de se terminer, mais qui s’arrête tout de même un instant avant de conclure en duo avec Marie LS à la voix.

Sun-Drenched arrive exactement au bon moment, configuré pour fêter l’été avec ses inspirations dance, disco, house et soul; et des collaborations réussies avec des chanteurs et chanteuses qui ajoutent une présence, une chaleur humaine inhabituelle en musique électronique. Cette richesse en fait possiblement le meilleur album de sa discographie, bien que ce qui le démarque encore davantage soit le fait que Millimetrik réussisse à faire en solo ce que The Chemical Brothers et Daft Punk font en duo, en matière de savoir-faire du moins. Un exploit à la hauteur de ses (presque) vingt ans de créativité. Bon été!

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