Medicine Singers
Medicine Singers
- Mothland / Stone Tapes
- 2022
- 31 minutes
L’étiquette montréalaise Mothland est en train de se construire une solide réputation en tant que pourvoyeur de sons éclectiques qui tentent de repousser les limites de leur genre respectif. Sa nouvelle trouvaille? Medicine Singers, une collaboration entre le groupe algonquin Eastern Medicine Singers et le guitariste Yonatan Gat, qui offre un combo explosif de musique pow-wow, de jazz et de rock psychédélique.
L’origine de Medicine Singers remonte à 2017 dans le cadre du festival South by Southwest, à Austin, au Texas. Cette année-là, Yonatan Gat a invité les membres des Eastern Medicine Singers à venir le rejoindre spontanément sur scène après les avoir vus jouer à l’extérieur de la salle de spectacle où il s’apprêtait lui-même à se produire. L’idée d’une collaboration à plus long terme a alors germé, ce qui a mené à une série de spectacles en Europe, au Canada et aux États-Unis, avant que le super-groupe ne capte le regard du label américain Joyful Noise (Deerhoof, Ben Shemie).
Ce premier album éponyme des Medicine Singers sonne en effet comme la rencontre de diverses traditions qui se rejoignent dans un esprit de respect et de collégialité. À la base, les Eastern Medicine Singers sont formés d’Algonquins natifs de la région du Rhode Island dont la musique s’appuie sur la tradition du pow-wow, où la puissance des percussions sert de véhicule à des rythmes de danse hypnotiques. Yonatan Gat, lui, est un guitariste d’originaire israélienne qui vit à New York, et dont le style est basé sur un mélange d’improvisation, de punk et de rock d’avant-garde.
Sur disque, ça donne un résultat qui va dans plusieurs directions en même temps, mais qui demeure animé du même désir de création libre et spontanée. Ça tient bien sûr à la rencontre entre les percussions et la guitare, mais aussi à l’ajout de collaborateurs chevronnés, dont Thor Harris (Swans), la trompettiste Jaimie Branch et le vétéran de la musique ambient Laaraji, qui a notamment collaboré avec Brian Eno. Au final, les Medicine Singers proposent une musique expérimentale et inclassable qui navigue entre la tradition autochtone, le surf rock des années 50, le rock garage des années 60 et le jazz fusion des années 70, avec une dose d’ambient et d’électro.
L’album, d’une durée assez courte (à peine 30 minutes), prend tout son sens, lorsque considéré dans son entièreté. La pièce traditionnelle A Cry agit comme liant, à la fois en ouverture et en conclusion, et envoie le message que peu importe l’éclectisme dont les Medicine Singers font preuve, leur musique se veut avant tout une célébration de leurs racines. Entre les deux, c’est vrai, ça tire un peu dans tous les sens, du surf rock explosif de Hawk Song jusqu’au blues enfumé de Sunrise (Rumble) en passant par le jazz fusion à la Miles Davis ou Mahavishnu Orchestra de Sanctuary.
Il y a deux grandes qualités qui se dégagent de cet album : l’étonnante cohésion dont le groupe fait preuve malgré la grande diversité des matériaux utilisés, et le sentiment de modernité qui s’en dégage, malgré le recours assumé à plusieurs styles d’une autre époque. Le premier élément tient au fait que l’album a vraiment été conçu comme un tout, à l’image d’un disque concept. La plupart des titres s’enchaînent, ce qui permet de concevoir les changements de style non pas comme des ruptures de ton, mais bien comme des traditions en dialogue les unes avec les autres. À ce propos, la chanson-maîtresse de l’album est sans contredit Sunset, celle où toutes ces diverses influences entrent en symbiose, avec un habile travail d’expérimentation électro.
Si vous aimez les musiques inclassables et visionnaires ou si vous appréciez le travail d’un Mdou Moctar, ce premier album des Medicine Singers a tout pour piquer votre curiosité. Un ovni musical dont la valeur se bonifie au fil des écoutes.