Critiques

Marie-Eve Roy

Multicolore

  • La Tribu
  • 2019
  • 32 minutes
7

Le 22 février dernier, l’auteure-compositrice-interprète Marie-Eve Roy a sorti son deuxième album solo, Multicolore. L’album est vraiment aux antipodes de ceux des Vulgaires Machins, groupe qu’elle a fondé avec Guillaume Beauregard en 1995. C’est un plaisir de retrouver dans un autre contexte cette voix familière que l’on peut possiblement rattacher à notre adolescence. Marie-Eve Roy s’adresse maintenant aux « adulescents » de tout acabit, grâce à cet opus réfléchi et profond.

L’album a été enregistré à New York par le producteur Gus van Go, et est réalisé en collaboration avec Werner F. (Les Trois Accords, Vulgaires Machins) et Likeminds (Avril Lavigne, Snoop Dogg, Kanye West). Dans son premier album sorti en 2016, Bleu Nelson, l’artiste explorait des sonorités plus vintage, avec Julien Mineau en tant que réalisateur (Malajube, Fontarabie). Avec Multicolore, on est plus dans la modernité, non sans une certaine touche de nostalgie.

Marie-Eve Roy livre des chansons concises et efficaces, un peu dépressives, douces-amères. Une tristesse magnifique; la mélancolie à juste dose… De facture minimaliste et épurée, voire éthérique, l’album est cependant très puissant. On y entend une poésie qui, bien qu’elle soit un tantinet simplette, reste tout de même coquette. C’est un album tout en douceur, une force tranquille. Une armure de satin que l’on porte via les oreilles. À l’écoute des courtes pièces nuancées, plus rien ne peut nous fracasser.

Multicolore est constitué d’une courtepointe de poèmes évanescents et translucides. La référence aux couleurs rend les compositions visuelles; les sons se transposent dans l’esprit comme du verre qui miroite, ou de l’huile dans de l’eau. Ils scintillent et hypnotisent. La mystique Annapurna évoque une aube vaguement inquiétante, avec ses paroles introspectives.

Et je marche jusqu’au soir
Les pieds dans le sable noir
L’esprit noyé dans le brouillard

Mon coeur veut se déposer
Sur le sol volcanisé
Et monte en moi
L’Annapurna

– Annapurna

De lointaines notes de Pink Floyd sont décelées, autant dans l’ambiance que dans les sons de synthétiseur, qui ont été choisis avec soin. Certains moments font un peu penser à Sigur Rós ou, plus près de nous, à la compositrice et multi-instrumentiste Jade Bergeron, alias Flying Horses.

Sur Multicolore, les guitares se font très subtiles. Il aurait été intéressant d’entendre plus de sons électriques, mais on apprécie cette tranquillité. D’ailleurs, La valse de l’insomnie ressort particulièrement, avec ses rythmes lointains et diaphanes, presque abstraits. La pièce qui ouvre l’album, Je pleure je ris, comporte de beaux moments à la basse et le refrain est très accrocheur. C’est fignolé avec soin. La réverbération importante apposée à la voix complémente le caractère onirique de l’oeuvre.

Je pleure je ris
Les deux en même temps
Et sous la pluie
J’essaie de sentir quelque chose
Mais je joue le vide comme une virtuose

– Je pleure je ris

À écouter lorsqu’on a le vague à l’âme; ses notes brillent sur nos noirceurs. Le rapiéçage de nos morceaux internes n’est peut-être plus si lointain, avec cet album tissé de soie iridescente.

 

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