Critiques

Liturgy

The Ark Work

  • Thrill Jockey Records
  • 2015
  • 56 minutes
7

LiturgyOn parle autant de Liturgy pour sa musique que pour les diverses raisons de détester son chanteur et guitariste Hunter Hunt-Hendrix, et il ne serait pas nécessaire de commencer une critique par cet énoncé si Hunt-Hendrix lui-même ne faisait pas autant d’efforts pour faire connaître ses philosophies et prétentions. Il offre des réponses nébuleuses et grandiloquentes dans des entrevues, présente des diagrammes tentant de réduire en quelques traits des thèmes complexes, et son infâme essai “Transcendental Black Metal” arrivait à la fois à chanter les louanges du black metal tout en le dépeignant comme un style indigne de ce que Liturgy veut faire. Pas étonnant donc que bien des fans de black metal lui en veuillent à mort.

Liturgy a commencé, quand ses membres étaient encore jeunes, en s’inspirant fortement du black metal scandinave, mais en délaissant totalement les signifiants visuels du genre. Pas de maquillage de cadavre, donc, et pas de costumes noirs sataniques. Restait les signes distinctifs sonores du genre, les «blast beats», les hurlements suraigus, les guitares grattées en staccato rapide pour mener à une musique d’une intensité euphorique, quoique totalement déprimante. Les récriminations des détracteurs se faisaient aisément éclipser par les qualités de la musique de Liturgy, constamment impressionnante et intense. On aimerait donc pouvoir décrire un album de Liturgy sans parler de la controverse, mais la controverse semble nourrir la créativité de Hunt-Hendrix et le guider dans ses nouvelles compositions. Déranger n’est pas un accident de parcours, déranger fait partie de l’intention.

The Ark Work marque des changements majeurs dans l’approche de Liturgy. Les hurlements du black metal ont pris la porte, et Hunt-Hendrix les remplace par une voix si limitée qu’elle finit par irriter plus que n’importe quel cri strident, particulièrement dans les pièces où il semble faire une curieuse approximation du rap (Vitriol, Quetzalcoatl).

Parmi les changements plus réussis, on compte l’ajout de sonorités samplées ou MIDI qui élargissent la palette sonore du groupe et l’apportent parfois en contrées surprenantes. The Ark Work ne perd pas de temps et présente cette approche dès le départ avec des trompettes en toc dans la pièce Fanfare, qui ouvre l’album, puis des clochettes, des «glitchs» numériques et des bruits de foule en liesse dans la pièce suivante. La superposition de sonorités fait croire à une mauvaise blague par ici, mais enrichit les crescendos et l’intensité de la musique par là.

Ce qui électrifie The Ark Work reste cependant ce qui électrifiait les albums précédents, soit l’interaction très naturelle et instinctive entre les membres du groupe. Malgré les concepts lourds et le poids des attentes, Liturgy reste un groupe bien huilé, quatre musiciens de talent qui se connaissent depuis un jeune âge et qui ont tous instinctivement le même but précis en tête: créer une ambiance musicale effrénée où extase et souffrance deviennent indiscernables. Le groupe a bien failli se séparer après Aesthethica en 2011, mais en restant uni, il démontre que son attrait provient de sa dynamique interne bien plus que des idées alambiquées de son chanteur.

Ma note: 7/10

Liturgy
The Ark Work
Thrill Jockey
56 minutes

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