Critiques

Le Ren

Leftovers

  • Secretly Canadian
  • 2021
  • 34 minutes
7,5

Une voix, une guitare. C’est essentiellement tout ce qu’il aura fallu à la Montréalaise d’adoption Le Ren, alias Lauren Spear, pour pondre une des très belles sorties folk de 2021. Intitulé Leftovers, ce premier album révèle une auteure-compositrice-interprète en pleine possession de ses moyens, capable de s’abreuver à la grande tradition du genre tout en maintenant un son et une identité qui lui sont propres.

Originaire de Colombie-Britannique, Spear a grandi sur l’île Bowen, une zone rurale et isolée qui semble avoir nourri son imaginaire musical. Même si elle vit désormais dans la métropole québécoise, on l’imagine davantage en train de créer ses chansons sur le bord de la grève ou au beau milieu d’un champ plutôt que dans l’atmosphère bruyante de la ville. Ses textes, toutefois, sont d’une grande universalité et abordent la famille, l’amitié et la résilience de l’amour. Il y règne aussi une douce solitude, non pas lourde, mais plutôt celle qui apaise et qu’on recherche parfois, et ce, qu’on habite au fond d’un rang de campagne ou dans une grande tour à condos.

La musique de Le Ren porte en elle un petit quelque chose d’intemporel, et on se surprend parfois à se demander s’il s’agit bien de compositions originales, tellement elles semblent avoir toujours existé, comme si elle les avait puisées dans un recueil de chansons traditionnelles. Ses influences sont évidentes. On pense parfois aux sœurs McGarrigle (notamment lorsqu’elle double sa voix elle-même, comme sur la quasi-baroque Take on Me en ouverture) ou encore à Joni Mitchell, à la fois pour le chant, mais aussi pour certaines progressions d’accords étonnantes qui révèlent une certaine complexité harmonique, comme sur la douce Friends Are Miracles.

Même si ses chansons demeurent résolument ancrées dans la tradition folk, Le Ren montre un intérêt marqué pour le country, ce qui donne une tournure plus légère à certains titres. C’est particulièrement réussi sur Was I Not Enough?, portée par une très belle partition de guitare pedal steel. Who’s Going to Hold Me Next? est un peu faite selon le même moule, mais s’approche davantage du pastiche tandis que Spear donne l’impression de forcer légèrement la note dans son intonation.

C’est là un petit bémol sur un album qui regorge de chansons de qualité. Délaissant les cordes pincées au profit d’accords grattés, la superbe Annabelle & MaryAnne, en duo avec Tenci, nous frappe en plein cœur par son rythme ternaire et son refrain à la mélodie ondulante. Le Ren rend aussi hommage à sa mère sur deux morceaux, entre autres sur la délicate I Already Love You, qui sonne comme une berceuse, sur laquelle Spear assume le rôle de la figure maternelle en s’adressant à elle-même à la troisième personne :

« You’ll grow taller than your mother

You’ll be stronger than her too

Though I’ll see you in time, you know I

I already love you ».

I Already Love You

Leftovers marque un changement de registre un peu surprenant par rapport au EP Morning & Melancholia que Le Ren a lancé l’an dernier. Inspiré en partie par la mort tragique de son copain dans un accident d’auto, ce mini-album de quatre morceaux abordait les thèmes du deuil et de l’absence à travers un folk dépouillé, mais ô combien chargé en émotions. On la sent toutefois plus sereine sur ce premier album complet, qui mise avant tout sur le pouvoir réconfortant des harmonies consonantes et des textures instrumentales soignées. Ça sonne un peu trop propret par moments, mais on se laisse séduire par l’authenticité et l’honnêteté de la démarche.

Voilà un album de chevet qu’il fait bon garder près de soi pour y revenir en cas de besoin, et qui plaira aux fans d’Adrianne Lenker ou Laura Marling.

Inscription à l’infolettre

Ne manquez pas les dernières nouvelles!

Abonnez-vous à l’infolettre du Canal Auditif pour tout savoir de l’actualité musicale, découvrir vos nouveaux albums préférés et revivre les concerts de la veille.