Critiques

Le Butcherettes

bi/MENTAL

  • Rise Records
  • 2019
  • 49 minutes
5

Oui, c’est lourd.

Oui – osons ici un parallèle politique de mauvais goût –, on frappe un mur sonore bien construit sur le nouvel album du – maintenant – quatuor mexicano-américain Le Butcherettes. Mais….

Retour en arrière.

2007, Le Butcherettes, formé par la musicienne Teresa Suárez (nom de scène : Teri Gender Bender), cartonne sur les scènes underground mexicaines. Pour cause : cette femme théâtralise sa musique engagée – lire ici féministe – pour faire passer ses nombreux messages. Les spectacles offerts aux premiers mois du groupe se veulent des représentations – parfois sanglantes – visuellement intéressantes, alors que des accessoires de scène – dont une tête de cochon –, des costumes, du maquillage excentrique ajoutent à la musique et aux propos de la chanteuse.

S’additionnent par la suite les albums au rythme des changements de musiciens (une douzaine !) : le pétillant Kiss & Kill (2008), le hargneux Sin Sin Sin (2011) et, consécration, l’excellent Cry is For The Flies (2015) où l’amalgame musique-voix-textes-spectacles atteint un plateau bien haut. Réalisé par Omar Rodríguez-López (The Mars Volta), voilà un disque criant, métallique et distorsionné qui répond présent à la voix, la force et l’originalité sur scène de Mme Suárez.

Puis nous est arrivé le pénible A Raw Youth en 2015, également réalisé par Rodríguez-López. Erreur de parcours, avons-nous pensé.

Quatre ans plus tard, nous voici en ce beau début de février 2019, et Le Butcherettes fait paraître son nouvel opus, le bipolaire bi/MENTAL.

Réalisé cette fois par Jerry Harrison (Talking Heads), il marque un changement dans la sonorité entendue. Malheureusement, ce n’est pas pour le mieux – à notre humble avis –, alors que la musique semble se mouler à une formule bien prévisible et devient conformiste. Les textes, toujours aussi engagés et de plus en plus personnels (Suárez y parle de la violence présente dans sa famille et de ses troubles mentaux), se trouvent ainsi décalés, laissés pour compte. Comme si la musique et les propos criés n’avaient pas réussi à trouver un terrain d’entente.

Et ce n’est pas la présence – ENCORE! – d’invités « de marque » qui sauve la donne. Si Iggy Pop et John Frusciante étaient de l’album précédent, cette fois c’est Jello Biafra (ex-Dead Kennedys) – bien modeste sur la pièce d’ouverture spider/WAVES – et Alice Bag – on en aurait pris beaucoup plus du duo Bag-Suárez ! – qui viennent donner un coup de main au groupe. Mais cela s’avère bien plus un coup de marketing qu’un réel apport à l’œuvre.

Certes, en jouant cette fois « à l’intérieur du carré de sable » au lieu de vouloir en sortir, Le Butcherettes se fera peut-être connaître d’un plus grand public. Tant mieux pour lui, il le mérite. Mais il est triste de voir la tangente empruntée par Teri Gender Bender pour y parvenir. On les croyait insoumis, sauvages, différents.

Dommage.

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