Critiques

Larynx

Applaudissez, bande de chameaux

  • Bonbonbon
  • 2022
  • 42 minutes
7

Larynx, c’est le pseudonyme d’Alexandre Larin, bien connu dans la scène musicale locale pour avoir notamment joué avec Rust Eden, Helena Deland et Lucill. Deux ans après un premier album aux sonorités psychédéliques, il rapplique avec Applaudissez, bande de chameaux, qui mise encore sur une esthétique rétro, mais avec un éventail élargi d’influences pour un résultat ébouriffé, mais fort sympathique.

La principale force du projet de Larin est son refus de se prendre au sérieux. Que ce soit dans ses textes ou dans ses visuels très psychotroniques, le guitariste originaire de Saint-Eustache s’amuse à jouer sur la ligne mince entre l’absurde et le comique tout en enrobant ses chansons d’arrangements élaborés, avec une exécution sans faille. Une référence qui nous vient à l’esprit est Chocolat pour le mariage réussi entre la poésie décalée de Jimmy Hunt et la cohésion et la précision de la musique.

Il y a un peu de tout sur Applaudissez, bande de chameaux, qui compte pas moins de 17 titres, la plupart sous la barre des trois minutes. C’est beaucoup, et Larin aurait sans doute gagné à resserrer un peu sa proposition pour en faire ressortir le meilleur et éviter certaines redites. Cela dit, l’adoption d’un format plus long que sur Ruche de mouches (2020) lui permet d’explorer d’autres sonorités, notamment sur l’entraînante 111 km en ouverture, qu’on croirait sortie tout droit de l’album Speaking in Tongues des Talking Heads. La ballade country Beau beam, en duo avec Helena Deland, sort également du lot, surtout grâce à une jolie partition de guitare slide.

Pris dans son ensemble, ce deuxième album de Larynx demeure tout de même ancré dans le rock psychédélique de la fin des années 60 et des années 70. Ainsi, la planante Mauricie évoque le Pink Floyd de l’époque Atom Heart Mother, tandis qu’un titre comme Professeur Malin combine la nonchalance d’un Syd Barrett et une rythmique rappelant les excès du prog. L’ombre de Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band plane aussi sur un titre comme Karou-souple. Ailleurs, Larin s’aventure en territoire post-punk et ça lui va plutôt bien, entre autres sur l’excellente J’parle à personne, sur laquelle on peut sentir l’influence d’une formation comme Corridor.

Les textes sont assez décalés et alternent entre une poésie faussement romantique et une autre volontairement déjantée, un peu baveuse, proche du style de Fuudge mais sans atteindre la même justesse de ton. N’empêche, Tu as tellement changé, qui mise sur la présence des Deuxluxes, touche généralement la cible, avec son récit d’une rupture plutôt houleuse : 

« C’est sentimentalement que je te répondrai va chier mange d’la marde

Avec tout le cœur que j’ai pour toi

Éloigne-toi de moi

Malgré mon désarroi, tout ça ne changera pas

Éloigne-toi de moi

Tu as tellement changé ».

Tu as tellement changé

Par contre, l’humour grinçant de certains titres tombe un peu à plat, comme sur Balliterie (Championne), sur la collecte des rebuts :

« C’est l’heure de sortir les poubelles

Tu t’sens-tu écoutée?

Oublie pas d’sortir les poubelles

Championne ».

Balliterie (Championne)

Malgré quelques tics d’écriture (le côté succinct des textes peut devenir redondant à la longue) et un léger manque d’élagage au niveau des idées, Larynx s’inscrit tout à fait dans le renouveau rock québécois qu’on observe depuis quelques années, incarné par des groupes comme Fuudge, zouz, Population II et d’autres, qui arrivent à puiser dans des influences des années 60 et 70, mais sans que ça sonne passéiste, et surtout sans sacrifier leur identité. Au final, Applaudissez, bande de chameaux reste un album fait sans prétention mais avec soin, qui fait autant planer que sourire.