Critiques

Kim Gordon

The Collective

  • Matador Records
  • 2024
  • 40 minutes
8
Le meilleur de lca

Membre indispensable du groupe culte Sonic Youth pour certains et icône féministe pour d’autres, Kim Gordon est sans contredit une figure culturelle importante. Si elle a autrefois expérimenté de son côté avec ses groupes Body/Head et Free Kitten, elle a cependant commencé sa carrière musicale solo en 2019 seulement avec l’album No Home Record. Elle poursuit maintenant l’exploration sonore sans modération sur son deuxième album solo The Collective, réalisé par Justin Raisen (Yves Tumor, Yeah Yeah Yeahs, John Cale). Ce collaborateur ajoute des accents trap et dub au style typique de Kim Gordon pour créer un invitant mélange mystérieux et oppressant où règne la basse.

Plus difficile d’approche que No Home Record, The Collective s’en distingue en délaissant un petit peu plus les instrumentations noise rock qui rappellent les racines de Kim Gordon et qui constituent donc ce à quoi on pourrait s’attendre d’elle. The Collective s’intéresse plutôt à un son électronique, mais conserve toujours le désir de nouveauté. 

Premier simple et première chanson de l’album, BYE BYE frappe fort : guitare dissonante à la Sonic Youth et basse ténébreuse. Son aspect brut s’apparente parfois au style de Death Grips, mais Kim Gordon ne copie pas les autres. En plus d’ajouter son unique voix grave et rauque au rythme lourd et répétitif pour donner un effet stressant, elle pond des paroles simplistes et cryptiques (une genre de liste de quoi faire et apporter avant de disparaître) : « Buy a suitcase, pants to the cleaner / Cigarettes for a killer […] Eyelash curler, vibrator, teaser, bye bye, bye bye ». La barre est placée haut. 

Moins percutantes que BYE BYE, les chansons suivantes ne passent pas inaperçues pour autant. Alors que certaines sont déconstruites et d’autres, rythmées et dansantes, Tree House réussit à s’insérer parfaitement dans le juste milieu. Dans cette deuxième catégorie se trouve également I Don’t Miss My Mind qui combine de façon originale une basse dominante à des sonorités psychédéliques et shoegaze qui jouent en boucle. Pour sa part, le deuxième simple, I’m A Man, offre une musique menaçante et des paroles accrocheuses qui critiquent de façon satisfaisante le point de vue d’un homme pas à la hauteur : « It’s not my fault / I’m a man / It’s good enough for Nancy […] I’m supposed to save you / But you got a job / You got a degree / And I’m just a fucking slob ». 

L’album suit une progression où l’atmosphère devient de plus en plus angoissante, mais attirante. En effet, Shelf Warmer établit une ambiance sombre et inquiétante, puis The Believers plonge dans une discothèque diabolique, et finalement Dream Dollar engendre assez de puissance pour réveiller les morts-vivants. The Collective n’est pas un album parfait non plus. Plusieurs pièces s’oublient facilement, comme le mélange brouillon The Candy House où Kim semble essayer des choses sans but précis. Aussi intéressante que désirée, l’expérimentation a parfois ses limites.

À maintenant 70 ans, Kim Gordon est toujours naturellement et universellement cool. Avec The Collective, elle ne s’assagit pas, ne déçoit pas et ne s’assoit pas sur ses lauriers heureusement. Elle crée une œuvre convaincante avec liberté, confiance et désinvolture. Sa mission ne consiste pas à accomplir un résultat facile à comprendre et à apprivoiser, elle vise seulement la création sonore qui peut stimuler les tympans, surcharger les sens et tester la capacité des haut-parleurs.

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