Critiques

Kesha

. (Period)

  • Indépendant
  • 2025
  • 38 minutes
5,5

« Are you a man? Cause I’m a bitch. » Le 4 juillet dernier, Kesha débutait ainsi JOYRIDE, le premier simple qui allait annoncer l’arrivée de son nouvel album. Sa nouvelle maison de disque? Kesha. Rien que ça. Pour la première fois de sa carrière, Kesha, de son vrai nom Rose Sebert, sortait de la musique indépendante. Elle était enfin libre.

Il y a plusieurs années de cela, Kesha accusait son producteur attitré de l’époque, Dr. Luke, d’agression sexuelle et de divers autres abus envers sa personne. Commençait alors un processus judiciaire long et particulièrement éreintant pour la chanteuse, période de sa vie qu’elle racontera à maintes reprises dans sa musique, incluant Praying, grandiose et puissante ballade. Son dernier album, sorti en grande maison de disque d’ailleurs, Gag Order, était une de mes plus agréables surprises musicales de l’année 2023. Les productions minimalistes et ambiantes, une rareté pour l’artiste, et la douleur palpable dans son interprétation et ses paroles en ont fait un album véritablement vital dans la reconstruction de Rose Sebert.

Alors ainsi, avec un album enregistré, produit et sorti entièrement en indé, et avec aux manettes une Kesha plus heureuse qu’elle ne l’a jamais été, j’étais plus qu’enthousiaste à l’idée de supporter ses nouvelles ambitions artistiques. PERIOD, POINT-BARRE, en lettres majuscules. Ce n’est pas juste une manière de faire taire les détracteurs, c’est un point final sur son passé et une nouvelle ouverture (une nouvelle phrase? Pourquoi pas!) sur une vie pleine d’espoir et de renouveau. Et quand on entend FREEDOM, c’est véritablement les portes du paradis s’ouvrant vers de nouveaux horizons pour l’artiste. « I only drink when I’m happy, and I’m drunk right now. » Le tout est d’une énergie jubilatoire contagieuse, et on ne peut que partager son soulagement. Bref, avec un premier morceau symbolique et marquant, en plus d’amorcer un album en marge des codes et des restrictions, je me dis que ce sera le mot d’ordre pour un premier titre aussi prometteur. Pourtant, malgré ses quelques coups d’éclat, PERIOD comporte son lot de déceptions, notamment dans la construction de ses morceaux.

Effectivement, l’album comporte un gros souci de production, rendant une bonne partie des morceaux datée. À une époque où la nostalgie, surtout celle des années 2000, fait vendre, cela pourrait être une valeur sûre pour attirer une clientèle enthousiaste, mais ici, un titre comme DELUSIONAL sort tout droit des vieilles compilations de 2010 de Now! That’s What I Call Pop. Dans ce même registre, YIPPIE-KY-YAY commet sûrement la pire offense sur ce front : le rythme en mode boom-clap est très peu flatteur, et le refrain, malgré une Kesha en voix, ne parvient pas à sauver le morceau de la redondance et de l’ennui. C’est dommage, car le thème est louable et totalement bien retransmis vocalement, mais l’emballage ne donne pas envie.

Pourtant, des propositions plus aventureuses, il y en a, notamment avec BOY CRAZY, qui est particulièrement symbolique de par la réclamation de la vie sexuelle de la chanteuse, celle-ci ayant été bafouée pendant tant d’années. Et là, justement, la forme est au service du contenu, car la saveur hyperpop injectée au morceau fait vraiment du bien, tout comme RED FLAG, certes un peu plus conventionnel, mais qui fait mouche quand même. Et bien évidemment, le premier simple déjà mentionné, JOYRIDE, brille de par sa bizarrerie et son ambiance carnavalesque un peu machiavélique.

Le reste, ça reste des morceaux relativement corrects, mais c’est bien ça le problème : ils sont juste… là. LOVE FOREVER et GLOW sont des additions assez gentillettes, mais leurs refrains tombent à plat, ceux-ci sonnant mous et répétitifs. THE ONE, dans la même lignée que DELUSIONAL, est bien interprété, mais est, encore une fois, beaucoup trop daté pour qu’on le justifie par un élan de nostalgie. J’ai l’impression d’écouter du Rachel Platten à l’époque de Fight Song, et ce n’est pas exactement un compliment. Heureusement, la fin de l’album arrive avec un coup de canon, celui avec lequel il a commencé, et ce, avec CATHEDRAL, et, s’il y avait un DEUXIÈME moment pour aborder la voix de Kesha, c’est celui-là, parce que mon Dieu que c’est renversant. Au cours de sa carrière, les capacités vocales de la chanteuse ont toujours figuré parmi ses plus grandes forces, et là, je suis tout bonnement soufflée par les émotions transmises ici. On ne peut pas conclure plus en beauté que ça.

Alors, même si mes pensées sur PERIOD en tant qu’album musical ne sont pas entièrement positives, j’ai énormément d’admiration pour le courage de Kesha et sa résilience contre vents et marées. Peu importe la direction que prendra sa musique ultérieure, peu importe si elle se décide à faire du country, de l’électro, de l’opéra, même, qu’en sais-je… qu’à cela ne tienne, je ne souhaite que le meilleur pour la suite de sa vie professionnelle et personnelle. Profite de la liberté, Kesha.

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