Après Lucy Dacus, qui a lancé le premier projet post-boygenius, voici que Julien Baker arrive avec un album collaboratif avec TORRES. Les deux autrices-compositrices-interprètes ont décidé de revisiter le country de leur jeunesse, mais en enlevant les travers religieux et homophobes pour consacrer le tout à des chansons foncièrement queer. Mais ça reste du country-rock.

Remarquez, une présence accrue de projets comme celui de Julien Baker et TORRES à Lasso rendrait le festival un peu moins quétaine. Le duo propose une réinterprétation des sonorités et des structures des chansons country rock du sud des États-Unis avec une perspective novatrice. Les thèmes habituels des bars glauques sont traités ici : les peines d’amour, la mélancolie typique d’avoir fait fuir l’être cher et la consommation font la loi sur Send a Prayer My Way.

Il faut dire que la sobriété fait partie des thèmes qui traversent l’œuvre de Julien Baker et il fait ici aussi sa place dans les chansons Off the Wagon et Bottom of a Bottle. La première est particulièrement touchante alors qu’on y traite de problèmes plus graves avec le niveau de tristesse et de profondeur qui fait qu’on nomme le country, le blues des blancs. TORRES et Baker ont toutes les deux la profondeur pour bien porter ce genre de pièces.

I lost my nerve
So I searched the corner bar
I lost my faith
So I went wishing on a Lone Star
I lost my woman
So I went swimming in a river of Four Roses
Next thing I knew, I was horizontal, and my friends
Were fishing me out of the bottom
Of a bottle
— Bottom of a Bottle

La paire a le don pour les mélodies country et le démontre à plusieurs repris sur Send a Prayer My Way. Dès les premières notes de Dirt, c’est clair que ça va bien se passer pour le duo. Le simple Sugar in the Tank était l’exemple d’un essaie réussi. Tuesday fait briller TORRES qui chante la misère avec sa voix imposante et met l’emphase sur la difficulté entre êtres queer et l’Église catholique. On se souvient, cette organisation vouée à une religion dominée par l’amour incapable de faire de la place à une de ses brebis qui aime… d’autres brebis plutôt qu’un mouton. Hypocrisie quand tu nous tiens. Les deux musiciennes se raccrochent aux grands concepts qui sous-tendent la religion plutôt que la business organisée que c’est devenu.

Si vous n’aimez pas le country-rock, vous n’allez pas soudainement y trouver une maison grâce à l’angle rafraichissant des deux autrices-compositrices-interprètes. Ça demeure une musique marquée par les grandes caractéristiques du genre : la mélancolie, la slide-guitare, le violon et un mélodrame à fleur de peau prêt à exploser à chaque seconde. Mais, si vous avez un tant soit peu d’intérêt pour le genre, vous trouverez dans Send a Prayer My Way, une proposition franchement intéressante. TORRES et Julien Baker frappent quelques très bons coups sur cet album.