Julianna Barwick
Nepenthe
- Dead Oceans Records
- 2013
- 42 minutes
Née en Louisiane, éduquée au Missouri et résidente de Brooklyn, l’artiste pop expérimentale Julianna Barwick lançait sur le marché son quatrième album intitulé Nepenthe. Barwick élabore une musique érigée sur une superposition de boucles sonores de même que sur un enchevêtrement de voix qui octroie un climat sonore absolument éthéré à son œuvre; une démarche artistique unique que l’on aime… ou que l’on déteste viscéralement.
Enregistré en Islande, avec Alex Somers derrière la console (Sigur Ros, Riceboy Sleeps), ce Nepenthe ne constitue rien de moins qu’une déférence sonore aux paysages paradisiaques qui font de ce pays l’un des plus éblouissants au monde. Fait à noter, la musicienne a perdu un être cher durant l’enregistrement de cet opus, ce qui confère à cette création sonore une authentique mélancolie.
Si Sigur Ros durcit le ton sur Kveikur, Julianna Barwick fait exactement tout le contraire en accentuant le penchant aérien et immatériel d’une musique évoquant sérieusement l’onirisme, la quête de spiritualité et le voyage intérieur. L’artiste nous propose de désarmantes plages sonores, chantées par une chorale de jeunes adolescentes aux voix angéliques, appuyées par le quatuor à cordes Amiina (qui accompagne Sigur Ros en concert) et dépouillées de ce déluge de guitares si caractéristique à la bande à Jònsi.
Superbement réalisé, exécuté avec virtuosité, judicieusement interprété, ce Nepenthe est un disque contemplatif et émouvant qui pourrait constituer une magnifique trame sonore d’un court métrage élégiaque et planant. Certains mélomanes pourraient perdre le nord à l’écoute de cette offrande (tant l’homogénéité assumée de cet album place l’auditeur dans un état d’apesanteur continu) mais nous ne pouvons que tirer notre révérence face à ce travail orfévré et brillant présenté par Barwick.
Nepenthe n’est pas conçu pour toutes les oreilles. Voilà une création démesurément vaporeuse et méditative qui pourrait rebuter l’auditeur réclamant une musique plus terre à terre… mais c’est une confection sonore essentielle! Dans un monde axé sur la performance, l’hyperactivité, l’étourderie, l’appât du gain, et la dictature du bonheur consumériste, ce disque (situé aux antipodes du rythme de vie trépidant que l’on mène) fait office de baume sur nos petits malheurs et plaies quotidiennes.
Difficile de mettre le grappin sur les morceaux marquants de cette œuvre. Nous pourrions souligner la participation vocale de Jònsi sur One Half, la performance sublime de la divine chorale sur Pyrrhic et Adventurer Of The Family de même que la prenante Forever, mais rien ne viendra justifier adéquatement l’admiration que nous avons pour le boulot accompli par Barwick, Somers et Jònsi sur ce Nepenthe intemporel et exquisément islandais.
Un album singulier de la part d’une artiste détenant une démarche artistique unique en son genre. Assez ardu d’attribuer une note valable à un ovni musical de ce genre, mais c’est ce qui nous stimule au Canal Auditif. L’originalité, la valeur artistique ajoutée, la créativité, la dextérité, l’intangibilité sont toutes des attributs que possède cet album. Pour toutes ces raisons, nous accorderons la note de… mais vous pourriez être en profond désaccord avec nous!
Ma note : 8/10
Julianna Barwick
Nepenthe
Dead Oceans
42 minutes
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