Jockstrap
I Love You Jennifer B
- Rough Trade
- 2022
- 44 minutes
Jockstrap est un bel ovni anglais qui sillonne le ciel musical depuis quelque temps. Après 4 EPs parus depuis 2018, d’abord chez Kaya Kaya Records puis avec Warp Records, la formation nous révèle son premier album, I Love You Jennifer B, chez Rough Trade. Le duo formé de Taylor Skye, qui s’occupe de la plupart des instruments, et Georgia Ellery (aussi de Black Country, New Road) à la voix et au violon offre une pop très alternative qui refuse les sentiers battus comme un enfant dans sa phase du non.
Sur les EP, Jockstrap avait fait le pari de la folie. Est-ce que le duo s’assagit pour ce premier album ou cherche à avoir une approche plus unidirectionnelle? Du tout! Et c’est bien tant mieux. C’est dans ce chaos bouillonnant qu’il est au sommet de son art. Jockstrap se fait un plaisir de dépasser les lignes du dessin lorsqu’il colore et cela donne des pièces avec des approches novatrices et une liberté puissante. C’est l’un des meilleurs albums de pop à être lancé cette année.
Cette audace musicale se traduit de plusieurs manières. Sur Debra, le violon de Georgie Ellery prend de la place et ajoute une couleur perse à la trame alors que les synthétiseurs et le drum machine de Skye ne nous permettent pas d’oublier que nous sommes à l’ère contemporaine. Pendant ce temps, la voix d’Ellery est légère, envoûtante et nous transporte avec elle d’un bout à l’autre de la composition. Concerte Over Water, pour sa part, commence surtout autour de la mélodie vocale d’Ellery avant qu’une trame puissante et rythmée vienne nous assaillir et nous donner le goût de nous déhancher.
L’audace n’est pas seulement au rendez-vous dans la musique. C’est aussi le cas dans les paroles. Neon semble une confession cryptique au cours de laquelle Ellery répète à maintes reprises : « I won’t do this again, to you or to anyone / I won’t do this again, to myself ». Même son de cloche du côté de l’excellente Glasgow.
I know myself
Glasgow
Going ’round again
I trust myself
I’m a woman she believes in
I touch myself
Every time I see
What’s missing from my life
De plus, on retrouve dans Glasgow de belles références, notamment à Agatha Christie qui avait fui après avoir appris que son mari la trompait. C’est aussi une pièce qui traduit un amour qui est en train de se désagréger avec tous les sentiments contradictoires qui accompagnent ce genre de situation. On y retrouve des sonorités de harpe qui répondent à celle aussi entendue plus tôt sur Angst, avec des échos également dans la mélodie et les paroles. Pour un album très chaotique, Jockstrap trouve toujours le moyen de faire des liens assez clairs entre les pièces.
Jockstrap présente vraiment un petit bijou avec I Love You Jennifer B. Si vous aimez la musique qui refuse les cadres convenus, vous trouverez chez le duo anglais une liberté magnifique et séduisante. Malgré la folie, les mélodies vocales sont efficaces, les instrumentations intelligentes, mais accessibles et surtout, la proposition complète est franchement intéressante.