Jean-Michel Blais
Dans ma main
- Arts & Crafts
- 2018
- 47 minutes
Jean-Michel Blais est un alchimiste. Premièrement, il réussit à changer les émotions en musique. C’est limpide à travers les pièces de Dans ma main, il est impossible de rester insensible et stoïque. Deuxièmement, plutôt que d’y aller avec le plomb, il change les moments moins glorieux de la vie en magnifiques trames. Prenez la sublime Roses qui est un hymne funéraire des plus touchants. Blais l’a écrit pour la mère d’une amie décédée du cancer. On y sent les derniers souffles, l’abandon, le trou que ça laisse chez les proches, mais avec ses doigts de magiciens il le transforme en notes pianotées habilement qui inspire des images de lendemains ensoleillés et de cœur cicatrisé. Dans ma main est un point de suture, ce qui referme les plaies en attendant que le temps fasse son œuvre.
Outsiders plonge plutôt dans la colère sourde qui peut habiter quelqu’un. Celle qui est destructrice, mais qui peut aussi devenir motivation. Au début, on y entend Jean-Michel Basquiat lors d’une entrevue. On lui demande s’il est fâché, ce à quoi il répond oui. Mais quand l’intervieweur lui demande ce qui le fâche, il semble dérouté. Après un silence, il laisse tout simplement tomber qu’il ne sait plus. Ce genre de colère qui remonte si loin que la cause a été effacée au profit de la colère en tant que motivation en elle-même. Comme la tempête sur Jupiter qui est si puissante qu’elle n’a plus besoin d’éléments extérieurs pour rager, elle se suffit à elle-même. Les notes que Blais nous livre par la suite sont empreintes de nostalgie et de la douleur qu’elle laisse derrière elle.
Sur Blind, on retrouve les traces de la collaboration entre Jean-Michel Blais et CFCF alors que le piano se transforme en clavier et en sonorités électroniques. Les notes de piano restent chaudes et réconfortantes pendant que les rythmes électroniques augmentent la cadence et font taper du pied. Une évolution nuancée, belle et réussie. A Heartbeat Away part plutôt des abysses pour émerger comme une sourde plainte. Un soupçon de tragédie saupoudre le tout et fait l’effet d’un bon film à suspense où l’on est sur le bout du divan en attendant la suite.
Ce qui est le plus remarquable chez Blais est son universalité. Le compositeur néo-classique est capable de convaincre toutes les oreilles de tendre vers ses morceaux. Que vous soyez fan de Richard Abel ou de musique contemporaine, il y a un lieu de rassemblement chez Blais. Et cette communion est souvent portée par les mots alors que le montréalais le fait de ses dix doigts. Dans ma main est une œuvre qui fait preuve d’une grande sensibilité, qui est émouvante de mille et une façons. Cela reflète la curiosité, l’authenticité et l’absence totale de snobisme chez son compositeur. Jean-Michel Blais s’ouvre aux autres derrière son piano et le message qui nous parvient est d’une beauté qui dépasse les mots qui pourraient couler de mes mains vulgaires et maladroites.