On peut dire que Jay Scøtt a frappé un grand coup avec son album Ses plus grands succès. Il a été catapulté comme un homme-canon dans le showbizz québécois à coup de pièces pop parfaites pour les radios commerciales tout en gardant de la matière dans ses textes. On peut en dire tout autant de Toutes les rues sont silencieuses qui prend le pari une fois de plus de la chanson pop assez formatée dans son contenant, mais qui offre une parole foncièrement contemporaine.

Sur Toutes les rues sont silencieuses, Jay Scøtt revisite des moments où ça allait moins bien, des séparations difficiles, mais il aborde aussi la nouvelle célébrité et les phénomènes qui s’y rattachent. T’étais où aborde les gens qui soudainement réapparaissent dans ta vie lorsque la réussite se fait probante pour quelqu’un. Il y glisse de nombreuses bonnes lignes telles que :

Même si t’es resté toi même
Rappelle-toi que tes amis tu peux les compter
Sur les cinq doigts d’une main
Maintenant qu’la vie est belle
Les gens qui m’intimidaient à l’école
M’envoient des friend requests
— T’étais où

La chanson peut prendre une signifiance plus universelle dans le sens que l’on connait ses vrais amis quand on est à notre pire et non à notre meilleur. Les frustrations sont présentes aussi dans la suivante, Woodstock, qui fait habilement une référence à Limp Bizkit à Woodstock 99 dans son refrain. Dans celle-ci, il compare les élections à Occupation double avec une ligne bien tournée. Sa capacité à créer des images avec des références, à la manière du rap, est toujours très efficace comme :

Mais non à place j’regarde les commentaires sur Instagram
Pis j’comprends mieux pourquoi y a du monde qui veulent pas s’montrer la face
J’te garantis qu’la terre est ronde
Même si criss que l’monde est plate
T’as l’gars d’Outkast qui joue d’la flûte comme si ça allait pas déjà assez mal
— Woodstock

Il n’y a pas que du négatif sur Toutes les rues sont silencieuses. On y retrouve aussi des pièces dynamiques et plus lumineuses comme Sunshine ou encore On my way qui est une pièce d’empouvoirment et de maturité. Une manière efficace de conclure l’album en reprenant les thèmes qui la traverse. Il y a aussi une pièce sur la nécessité d’être sous l’influence pour passer à traverse son quotidien, proprement titrée Buzzé.

Musicalement, ce n’est pas particulièrement compliqué ou traversé par des arrangements audacieux. C’est assez simple et fait pour ne pas froisser les oreilles d’un grand public. Ç’a du bon. Ça fait que ses pièces devraient logiquement jouer à la radio commerciale, endroit où l’audace est toujours punie, et j’aime toujours bien mieux que ce soit un jeune artiste québécois qui joue plutôt que de nous repasser pour énième fois un succès de Madonna d’il y a quarante ans. Mais bon, le fan de pop un peu plus musclée risque de faire le tour musicalement assez vite. Une chance, les textes, eux, valent le détour. Il y a tout de même une exception. La surprenante pièce-titre sur laquelle Richard Desjardins a composé une partition de piano pendant que Jay Scøtt livre des paroles à toute vitesse, comme par un passé rap qui n’est pas si lointain. Le duo fonctionne à merveille.

C’est un bon troisième album pour Jay Scøtt qui confirme que Ses plus grands succès n’était pas un feu de paille. L’auteur-compositeur-interprète connait une trajectoire des plus surprenante depuis sa prestation avec Smitty Bacalley aux Francouvertes en 2018. Il a trouvé sa niche et l’explore pour notre plus grand plaisir.