Les premiers pas de Franky Fade dans le monde musical ont été avec O.G.B., un collectif de musiciens qui mélangent jazz et hip-hop. De plus, il fait partie du collectif Les Fourmis en plus de multiplier les collaborations en solo. C’était donc logique que tout ceci se dirige vers un premier album sous son nom. 

Sur CONTRADICTIONS, Franky Fade a beau prendre un air décontracté qui parfois verse carrément dans le manque d’articulation, rien ne semble laissé au hasard. Fade utilise aussi sa grande connaissance pour piger dans différents styles musicaux sans jamais trahir sa personnalité. Et surtout, il montre sa grande maîtrise des mélodies vocales. On était au fait qu’il savait rapper, mais là on découvre aussi sa capacité à créer des vers d’oreilles efficaces. 

Les trois simples parus avant la sortie de l’album démontrent tous cette maîtrise des airs musicaux. Bon ami est un excellent exemple avec ses mélodies parfaites dans les couplets autant que dans les refrains. La trame composée en compagnie de Sambé du duo Pops & Poolboy et l’interprétation de Franky Fade frappe dans le mille. Souvent ce type de chansons porte souvent vers une certaine superficialité et c’est ce que le jeune auteur-compositeur-interprète réussit à éviter comme piège. Plutôt que de récupérer les mêmes paroles qu’on a entendues 150 fois, il nous traduit une situation entre deux amis qui se sont rapprochés et qui doivent démêler amour versus plaisir. 

Elle m’a dit « T’es un bon ami »
Elle m’a dit « T’es un meilleur amant »
Elle m’a dit “Check à mon avis”
“On peut pas revenir comme avant”
Levé de soleil au Cap Bon ami, yeah
Ta peau rayonnait
Comme les rochers
J’me suis rapproché
Pour la chaleur
Pour économiser notre énergie
Yeah, yeah

— Bon ami

Même son de cloche sur la contagieuse Vertiges et l’efficace Rewind. Cette dernière, chantée dans la langue de Shakespeare, évite aussi les pièges des pièces vides chantées dans un anglais approximatif parce que ça permet de se faire connaître à l’extérieur du Québec. Au contraire, Franky Fade ne coupe pas les coins ronds et se donne toute la liberté du monde en mélangeant des mots en français dans ses compositions en anglais et vice versa. Franky Fade a quelque chose à dire et le prouve avec aplomb sur l’excellente FFreestyle qui clôt l’album.

Yeah, peu importe comment faut que j’bouge
J’suis dans un coma comme Beatrix
Si j’vis dans un roman
J’dois être dans un passage
Qui décrit les pensées de la narratrice
Yeah, figé dans l’temps Dehors novembre
J’me sens comme Dédé
Pas facile la vie d’artiste
Fais-toi en pas
J’veux pas mourir
J’suis juste un peu tanné d’être toujours triste, hey

— Métal

Il plonge aussi dans des approches qui sont héritières du R&B et des mouvances des dernières années comme Métal, une des meilleures pièces de l’album. Il accepte de livrer sa sensibilité et le fait avec adresse. On le retrouve aussi dans une trame aérienne sur Vésuve et le résultat est encore une fois convaincant. 

Dans le genre de truc que Franky Fade fait, où il mélange R&B, rap, pop appuyée par des trames aux influences diverses, il est l’un des meilleurs au Québec. Il réussit à faire de la pop sans être anodin, sensible sans être mélodramatique, accessible tout en insufflant de nombreuses références culturelles qui permettent de pousser plus loin le dialogue avec l’auditeur. Bien joué, Franky Fade, bien joué.

Liens d’écoute