Critiques

Four Tet

Sixteen Oceans

  • Text Records
  • 2020
  • 55 minutes
8
Le meilleur de lca

Pouvez-vous croire que Le Canal Auditif n’avait encore jamais publié de critique d’un album de Four Tet? Ce n’était pas intentionnel, le hasard a simplement mal fait les choses jusqu’à présent. Corrigeons ça.

Four Tet, c’est Kieran Hebden, un musicien britannique qui a d’abord fait des vagues au sein de l’influent groupe post-rock Fridge. Malgré des racines dans le rock expérimental (le groupe s’est fait surnommer le Tortoise du Royaume-Uni), Fridge est devenu de plus en plus synthétique et électronique, un virage qui coïncidait avec les premiers pas de Hebden en solo à la fin des années 1990. Dès l’album Happiness de Fridge, en 2001, on pouvait entendre les éléments qui allaient devenir indissociables de toute la musique de Hebden par la suite : des sons de synthés rappelant des cloches et des vibraphones, des échantillonnages de voix humaines et de bruits de nature découpés pour en faire un charabia envoûtant, et une approche à la fois minimaliste et ouverte à la complexité et aux polyrythmies.

Four Tet est donc entré sur la scène techno et house par une porte latérale, son passé faisant toujours de lui une légère anomalie, mais ça ne l’a pas empêché de devenir un incontournable, un DJ en vue et un remixeur recherché grâce à son goût irréprochable et son intérêt pour la musique ambiante et le beatmaking sauce hip-hop.

La plus récente offrande de Hebden avant cette année était New Energy, en 2017, un album éclectique, mais marqué par des excursions plus ambiantes qu’à son habitude. C’était un détour intéressant, mais je dois avouer que j’aurais été déçu que Four Tet reste dans ces plantes-bandes trop longtemps. Il y a quelque chose de très charmant dans l’admiration naïve que Four Tet voue à la musique house et aux planchers de danse, et je souhaitais un album plus dansant. 

Je suis servi à souhait avec Sixteen Oceans, qui annonce dès la première seconde de la pièce School que, oui, Four Tet vient replacer ses pieds sur le plancher de danse. La mélodie centrale est dans sa palette tintante habituelle, et semble aussi aléatoire et enjouée que les rebondissements d’une superballe. Vient tout de suite après la superbe Baby, avec une voix hachurée du genre si typique à l’artiste, cette fois gracieuseté de la chanteuse Ellie Goulding.

Comme c’était le cas avec New Energy, les seize pièces de l’album comptent des détours plus ambiants et quelques courts intermèdes, mais ce sont les pièces plus rythmées qui me semblent véhiculer l’émotion la plus forte et les mélodies les plus marquantes. Une pièce comme Teenage Birdsong par exemple, avec sa flûte de pan kitsch vaguement baléare, est catchy au point de faire penser qu’on connaît cette mélodie depuis des décennies. Et l’échantillonnage mélodique étalé dans la frappante Insect Near Piha Beach convient si parfaitement au gros beat à la Andrew Weatherall (RIP) qu’il accompagne, malgré le fait que les notes se déversent sur les mesures en se fichant éperdument du tempo. C’est le genre d’heureux accident dont seul Four Tet a le secret : une idée qui devrait être chaotique sur papier est en fait un mariage parfait qui arrive à élever l’ensemble et à lui donner une forte résonance émotive.

Les forces de Four Tet ne s’amenuisent pas après tout ce temps, et Sixteen Oceans est un autre excellent exemple de comment peut se solder sa méthode. Même si la forme est cette fois légèrement plus énergique et enjouée qu’à la normale, on reconnaît la curiosité et la simplicité particulières à Hebden, et le dude trouve encore un équilibre entre ordre et chaos, entre naturel et synthétique, entre douceur et anxiété, entre joie et mélancolie, entre calme et triomphe.

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